--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au seizième épisode de la septième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :

https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163

Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :

https://www.senscritique.com/liste/les_petites_sirenes/3094904?page=1

Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---


Il était difficile de passer après la perfection que représentait The Lure. Souvent dans ces cas là, le film qui suit me déçoit, simplement parce qu'il n'est pas celui qui l'a précédé. J'ai donc pris l'habitude, dans la mesure du possible de ce que la chronologie me permet, de mettre un film communément admis comme médiocre à la suite des chefs-d'œuvre, pour que mon jugement sévère soit à la hauteur de celui qui le reçoit. Cette fois non seulement je faisais suite à ce qui est devenu, et restera très certainement, le meilleur film de sirène du mois, mais en plus cette apothéose arrivait après une escalade de qualité en 4 films, précédé de Ponyo, Ondine et Lego Movie. Il me fallait du très lourd et du très mauvais. Il me fallait Mermaid Down.

Mermaid Down, 3,7 au compteur sur SensCritique (avant que je ne note moi-même le film), également le premier du mois à n'être référencé que comme « épouvante-horreur ». Bah on repassera. C'est juste épouvantablement mauvais. Etant donné qu'on peut clairement identifier le pire du film, je vais choisir de commencer par là. La musique. A chaque fois que le film essayait de faire un pas vers le haut, tentait un geste pour commencer à sortir de la fosse nauséabonde de médiocrité dans laquelle il était enlisé, la musique revenait pour l’assommer et le faire s’enfoncer encore un peu plus profondément dans la vase. Je ne pensais pas que la musique pouvait avoir un pouvoir aussi destructeur sur un film. Non seulement la partition est médiocre, peu inspirée et terriblement répétitive, mais son vrai problème (oui, il y a pire comme problème que le simple fait que la musique soit factuellement nulle), c'est qu'elle se met à retentir stridulement à chaque action pas ouf que font les personnages, et annihile ainsi toute tentative de mise en scène. Par exemple, la sirène commence à sortir de l'eau (on voit donc concrètement un nana nue avec les cheveux emmêlés qui rampe sur la plage parce qu'elle a pas de jambes), bam ! grosse musique épique ponctuée de petites suites ascendantes qui symbolisent l'espoir. Non ! Non, la sobriété du bruit des vagues aurait largement suffit à l'habillage sonore de cette scène somme toute assez banale. Cette musique épique, elle appui simplement sur le fait qu'elle est totalement inappropriée, que l'instant n'est pas du tout épique, et même plutôt ridicule. Et ce n'est qu'un exemple, mais j'ai au moins 5 souvenirs assez précis de moments où j'ai fais un bond face à cette musique immonde déclenchée de manière parfaitement aléatoire.

Tant qu'on est sur le son, j’enchaîne tout de suite avec les dialogue, autre bête noire de ce film (film qui serait un nid de noiraude si on voulait pousser l'analogie). Les dialogues, comme la musique, sont parfaitement incohérents et aléatoires. Il n'y a pas de dialogues, simplement deux personnages (ou plus), qui ne s'écoutent pas et balancent chacun leur tour une ligne de dialogue qui semble sortie d'un chapeau. De temps en temps, toujours aléatoirement, les personnages répètent la dernière phrase qu'ils ont dit en double, de manière méga-dramatique. « Je vais acheter le pain. Je. Vais. Acheter. Le pain... ». Pathétique.

Et c'est loin d'être fini, parce que ça ce n'était que pour l'aspect sonore. La moitié du film. L'autre moitié... Est bien plus qualitative ! Youpi ! Même armée de tout l'agacement qui m'était déversé en continue dans les oreilles, et visionnant le film sur une copie dramatiquement peu qualitative (mais pour le coup le film n'y est pour rien si je suis un mauvais pirate), je n'ai pas pu revenir sur ce constat : le film est indéniablement joli. Certes il n'y a pas plus de cohérence à l'image qu'au son. Un plan c'est clair-obscur, le suivant c'est décontrasté, on passe d'une ambiance à l'autre, parfois dans la même scène, sans aucune justification. Ce n'est pas beaucoup plus subtile non plus, on sent que le niveau de la machine à fumée était réglé sur le maximum, et les axes caméras originaux ne sont jamais dans la demi-mesure (oui, aucun doute, on voit jusqu'au fond de ses narines, c'est bien un plan en contre-plongée), n'empêche que l'expression visuelle est riche et fourmillante d'idées, quasiment systématiquement bonnes. Il y a une belle utilisation de l'outil qu'est le flou également, ce qui me réjouit car il est rarement utilisé, encore moins par des films qui ne franchissent pas même la barre des 4 dans leur note SC.

Cependant j'étais venue pour le monstre, alors parlons monstre. Cette sirène est affligeante. J'avais pris le parti de ne pas critiquer ce mois les torsions que les auteurs voudront appliquer à la légende, d'une part parce que je ne m'y connais pas si bien en sirène que je ne m'y connaissais préalablement en vampire, loup-garou ou créature de Frankenstein, d'autre part aussi et surtout car je voyais moi-même les limites de mon aigreur à ce sujet. Une légende, ça vit et ça évolue, au fil des conteurs. Les monstres sont nés de cela, d'une rumeur qui se propage et se déforme au fil des commères. Les bardes d'hier sont devenus cinéastes, libre à eux finalement de ré-interpréter la légende pour continuer d'accrocher leur auditoire. Mais là, désolée, c'est trop. Pourtant ça partait sur de bonnes intentions, car le film s'ouvrait sur un débat sur l’existence des sirènes et une explication de la différence entre « siren » et « mermaid ». Et même si la conclusion que tirait le personnage de sa réflexion était capillotractée, au moins avait-il le mérite d'y avoir réfléchit. Et puis ensuite il meurt, et meurt avec lui toute décence ou respect pour le mythe des sirènes. Donc ce soir, la sirène crache de l'encre comme les pieuvres, si tu lui coupe la queue ça repousse comme un lézard, et ses cheveux s'illuminent dans le noir comme Raiponce ! Une Raiponce-lézard-pieuvre, avouons au moins qu'il est corsé le monstre de ce soir ! Encore si c'était fait avec intelligence et adresse, éventuellement, pourquoi pas (on sait tous qu'en vrai, non, quoi qu'il arrive j'aurais détesté, mais admettons), mais là en plus c'est amené n'importe comment et utilisé pour n'importe quoi. Les cheveux c'est ridicule, on voit clairement qu'ils lui ont foutu une guirlande de Noël sur la tête ; l'encre c'est parfaitement inutile, parce que le type, "il a l'habitude de conduire avec un pare-brise sale" (au secours c'est vraiment ça votre tension dramatique?!) ; et la queue qui repousse, ça arrive avec un bon gros paquet d'incohérences scénaristiques. Genre si ça repousse, pourquoi ça a pas repoussé dès les début ? Pourquoi à la place ça a fait un cocon, et ensuite des jambes (qui n'étaient pas fonctionnelles par dessus le marché !) ? Et pourquoi diable est-ce que ça a asséché la rivière ?! Mais pas de panique, des monstres il y en a deux ce soir, alors peut-être qu'ils vont mieux réussir le deuxième ? Bah non ! Donc y a un fantôme, il y a des filles qui le voit, d'autres qui le voit pas, c'est aléatoire. Le fantôme, il est triste parce qu'il peut pas toucher les gens, mais par contre il peut pousser un fauteuil roulant oklm. Et le fantôme il est dans l'asile parce que ouhlala ça fait peur, il y est mort, mais en fait c'est détente, il peut partir quand il veut pour accompagner ses copines en voyage. Et le fantôme il a la phobie de traverser les murs aussi. Je dois expliquer pourquoi c'est débile ? On relèvera cependant une certaine forme d'audace et d'originalité, dans le choix que fait le film d'avoir deux monstres, et de n'en placer aucun comme le méchant ou le danger, alors qu'il se veut être un film d'horreur. Le méchant, c'est juste un docteur fou que j'aurai pu trouver intéressant si la première image qu'on m'a montré de lui n'avait pas été sa tronche tartinée de crème solaire sur son yacht. Je crois que le film cherchait à jouer le contre-pied, à surprendre le spectateur avec ce personnage qui semble bon et un peu simplet et qui se révèle être la pire des ordures, mais c'est un peu trop expédié pour qu'on comprenne vraiment ses enjeux, sa psychologie, ses désirs et ce dont il est capable pour les accomplir. Et tout le film souffre de ça, parce qu'on voit des incohérences, là où peut-être il aurait pu s'expliquer s'il s'était cassé deux secondes la tête à développer ce personnage. Dommage.

Je suis comme les profs, même quand le contrôle est complètement raté, j'aime bien finir mon commentaire sur une note de positif, alors je vais le faire ici également. Parce qu'il y a une note de positif dans ce film, il y a une scène, on ne comprend pas trop à quel point ils ont pas fait exprès qu'elle soit bien, mais elle est vraiment, vraiment bien. Elle est du niveau de pouvoir se trouver dans Suspiria, et je ne dis pas ça seulement parce qu'il y est question de ballerine. Cette scène dans la salle de bain, où cette jeune ballerine se rend compte lentement que quelqu'un s'est fait tuer derrière le rideau de douche, est juste parfaite. Pour une fois, tout s'accorde pour donner à cette scène tout le relief cinématographique dont elle est chargée. Les chaussons de ballerine posé sur la marre de sang, qui ne sont pas qu'une jolie image de cinéma, et qui se révéleront être le dénouement de la tension psychologique qui se joue entre la jeune fille qui se croit miraculeusement sauvée et le tueur implacable qui attend froidement que son plan aboutisse. Même la musique, oui, la musique (!) qui est celle que produit une boite à musique quand on l'ouvre, juxtapose cruellement la candeur de la jeune danseuse avec la cruauté de l'univers dans lequel elle va périr, tout concorde pour placer cette scène en état de grâce.





Zalya
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le 27 oct. 2023

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