Le sixième film signé Du Welz est probablement le plus clean et présentable (Colt 45 était grand public mais manifestement chamboulé dans sa conception). Il est aussi le moins significatif de son auteur, puis le moins représentatif tout simplement, par la normalisation du style et des effets. Mais si Message from the King pourrait avoir été conçu par un autre, ça n'en fait pas un raté pour autant. C'est un produit efficace et divertissant, équilibré, rattachable et traduisible sans être un décalque. Le focus est précis, tendu, le récit sans fioritures à l'exception des digressions à vocation émotionnelle (souvenirs en format ultra cliché). Le spectateur ne décolle du point de vue du frère en colère que pour en découvrir un peu avant lui (quelques temps avant le milieu du film), pouvoir anticiper ou mieux savourer les entrées.
La séance réserve son petit lot de tordus dignes des salauds ou semi-démons chez Joe Schumacher, quoique pas absolument antipathiques a-priori. Ils sont à distinguer des véritables tarés fournis depuis Quand on est amoureux (les plus forts étant à retrouver dans Alléluia et Calvaire). Cette différence est logiquement déduite des orientations de mise en scène et des préférences internes : Message from the king propose des aventures 'objectives' et non des dérives psychotiques ; ce qui s'y produit ne surgit pas de nulle part ou des individus, mais des turbulences de l'environnement et de conceptions récurrentes sur grand écran. L'influence des films 'noirs' des seventies (comme Bullitt, Hardcore), entre polars vengeurs et portraits masculins, se fait discrètement sentir. Message peut également s'ajouter aux nombreuses variations autour de l'univers de James Ellroy. Mais il n'en est pas tributaire. L'essentiel ne semble pas se jouer entre l'affirmation d'une touche personnelle et une sur-adaptation ; mais entre une remontée vers un monde perdu et sa découverte naïve, sérieuse, enthousiaste. À l'exception des moments où le cadre se fait chic, Los Angeles semble livrée par le filtre du témoignage, ou d'un viscéral toujours légèrement romantisé.
Finalement c'est surtout le film d'auto-justice (ou le revenge-movie) remis au goût du jour et surtout actualisé (dix ans après Death Sentence), avec des fantaisies de leur temps ou d'un passé proche (l'assistant de Mike a l'air d'un mix entre une parodie de Grace Jones et Arca ; les accusations à l'encontre de Mike renvoient à des frayeurs persistantes et irrésolues – trafic d'êtres humains et pédophilie 'de luxe' au cœur des grands pays). En même temps le film paraît indifférent à ce qui travaille ouvertement la société et à tout ce qui en émane et s'y rattache directement – le cinéma de Du Welz reste un monde à base de caractères et d'escapades uniques, pas un cinéma reflétant, analysant ou commentant. Le protagoniste black ne sert pas de tremplin à de la récupération (pas de blaxploitation, pas de médiocrité 'blanchie' ou de connivence) ou de l'étalage de ressentiment (la scène des douanes est la seule où il est victimisé par l'institution, comme le serait n'importe qui) – ce qui n'est pas anodin en 2016-17. Les vicieux pourront y voir une preuve de son manque d'ambition – l'hypothèse se défend, surtout que si le film fonctionne (pour l'impact immédiat et éventuellement le charme), son scénario se contente de peu et les exigences se tassent dès qu'il n'est plus question de technique.
https://zogarok.wordpress.com/2017/11/03/message-from-the-king/