Je n'ai pas lu le roman de Georges Courteline, j'en sais juste le trait saillant : la critique acerbe des fonctionnaires. Avec ce petit film, je crois commencer à mesurer combien cet ouvrage a dû appuyer l'imagerie populaire, et sans doute retenue par les démagogues de tout parti, l'image d'incompétence et de malhonnêteté intellectuelle des services publics.

Je n'y avais pas particulièrement réfléchi et j'avais l'impression que cette image de tire-au-flanc que se coltinent les fonctionnaires datait des origines du monde en quelque sorte. Plus certainement de la 2e moitié du XIXe siècle diraient mes souvenirs d'Histoire. Quoiqu'il en soit, ce film en livre une illustration particulièrement mordante.

Je n'aime pas trop les idées reçues. Mais disons qu'il faut essayer de ne pas oublier qu'il s'agit là avant tout d'une comédie destinée à faire rire. Au côté de la belle mère et du cocu, le fonctionnaire fait figure de héros de la blague facile.

Donc au delà de cette farce libérale et anti-étatique qui trouve sûrement ses origines dans l'envieuse position de ces fonctionnaires (sécurité de l'emploi), le film est l'occasion de voir évoluer une distribution sympatoche, joyeusement allumée pour certains. J'ai eu un grand plaisir à voir ses comédiens.

En premier lieu, Pierre Brasseur joue un personnage gluant, obsédé, huileux, assez repoussant et dans le même temps réjouissant de drôlerie.

Ce dernier vocable résume de façon idéale la prestation d'un couple au destin comique rare : Jean Poiret et Michel Serrault. Ces deux-là je les adore, c'est d'ailleurs pour eux que j'ai regardé ce film sur le net. C'est toujours un plaisir de les voir jouer avec les mots, d'écouter leur précision comique dans le tempo.

Michel Serrault en provincial, un brin naïf est la victime de ce monde parallèle que constitue la ministère des dons et legs. Tel un Thésée errant dans ce labyrinthe de couloirs, il erre de bureau en bureau.

Alors que Jean Poiret épouse son rôle de dandy resquilleur avec cette espèce de je m'en foutisme élégant qui lui sied à merveille.

Le regard perdu du pauvre Noël Noël, fonctionnaire volontaire et honnête au milieu de cette cohue d'excentriques et de fainéants a sur moi l'effet d'attendrissement habituel. J'adore cet acteur, quoiqu'il fasse. Il me semble toujours au dessus de la mêlée, léger, doux et net.

Pour finir parmi ceux qui m'ont paru un peu plus éclatants, Philippe Clay bénéficie d'un rôle flamboyant de fou furieux, au comique grandiloquent et imprévisible, au charme pétillant.

Chez les donzelles, il n'y a guère que le joli minois et le sourire enjôleur de Micheline Dax qui excitent les prunelles.

Aimable comédie, à certains moments assez loufoque pour valoir le coup d’œil, à la distribution opulente qui ravira les amoureux du vieux cinéma français.
Alligator
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le 19 juin 2014

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