C'est un de mes grands souvenirs de jeunesse, on avait droit enfin à un grand dessin animé pour adultes, dans l'esprit de la célèbre revue Métal Hurlant, du moins sa version US Heavy Metal, mais qui fut exportée en France dans un esprit similaire et peut-être même plus audacieux, surtout au niveau du sexe. Le film pourra surprendre les moins de 30 ans aujourd'hui, car le ton est très inspiré des années 70, l'animation qui était novatrice et bien foutue en 1981, semblera d'une qualité discutable (même si pour moi elle est correcte), mais il faut évidemment se replacer dans le contexte, dans cet esprit totalement débridé adopté par les concepteurs et les dessinateurs qui se sont lachés dans le gore, le sanglant et l'érotisme affirmé en mode gros nichons et filles libérées.
Le film est d'origine canadienne, mais les plus grands artistes américains y ont participé, de Richard Corben à Berni Wrightson qui figurent parmi les plus grands dessinateurs underground américains, dont certains récits sont adaptés ici et réalisés par plusieurs équipes d'animateurs s'occupant chacune d'un segment.
7 histoires sont reliées par une sphère lumineuse verte, incarnation du mal absolu, le Loc-Nar ; son pouvoir terrifiant et dévastateur sert de fil conducteur dans un esprit inspiré de l'univers de Lovecraft, et toutes ne sont pas d'un niveau égal en qualité. Le prologue est assez flippant et présente le Loc-Nar ramené de l'espace par un astronaute. La seconde histoire est très SF, d'un style qu'on pourrait appeler "rétro-futuriste", dans un mélange de décors décrépits et de technologie futuriste ; ça ressemble à beaucoup de récits de Moebius vus dans Métal Hurlant. La troisième histoire est une adaptation de Den, BD mythique de Corben, dont l'univers de mélange barbare et SF est bien restitué. Dans ces 2 segments, on y trouve pas mal de scènes érotiques qui pourront faire sourire, mais à cette époque, c'était très décomplexé.
La quatrième histoire est une parodie de super-héros, elle est un peu moins intéressante, tout comme la sixième qui évolue à l'intérieur d'un vaisseau spatial, le sujet est plutôt faible, malgré un degré humoristique et un petit clin d'oeil à Star Trek. La cinquième histoire adopte un ton fantastique, on y voit des morts-vivants atteints par le Loc-Nar au sein d'un bombardier. La dernière histoire reste probablement la meilleure, de style heroic fantasy, sur un monde barbare au sein d'un contexte de science-fiction ; esthétiquement, c'est très réussi, la guerrière Taarna ressemble à certaines héroïnes qu'on commençait à voir en BD au début des 80's, à la fois redoutable et sexy dans sa tenue minimaliste. C'est aussi l'épisode le plus violent, le sang gicle en filets drus, et Taarna imprime un ton érotique latent.
Ce film a imposé un style et un visuel uniques, basés sur une violence du dessin, un érotisme aguicheur et une agressivité dans les couleurs, le tout se traduisant par la musique qui se partage entre une BO instrumentale parfois flippante d'Elmer Bernstein, et un hard rock psychédélique d'époque (Black Sabbath, Blue Oyster Cult, Sammy Hagar, Devo...). Une oeuvre culte et délirante qui plaira plutôt aux fans d'un certain style de dessin et de musique.