Hack to the future
À l’origine du futur se situe Metropolis : œuvre monstre, qui embrasse avec démesure la potentialité du cinéma, encore dans son âge muet, et qui, après les fresques monumentales de Griffith sur le...
le 28 févr. 2019
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On a tous mille raisons d’aimer le cinéma. Certains y consacrent leur vie, quand, pour beaucoup, c’est une distraction, un exutoire, quelque chose qui leur apporte sans qu’il leur soit essentiel. Il y a encore peu, je faisais partie de la seconde catégorie. Puis j’ai voulu étendre un peu ma culture cinématographique en rattrapant des classiques, et peut-être trouver d’autres raisons d’aimer le cinéma. Alors, un soir, j’ai lancé Metropolis, et tout a changé.
La confrontation avec un colosse
La rencontre était évidente, et l’alchimie, immédiate. L’idée de découvrir ce film si ancien capable d’utiliser des effets spéciaux paraissant aussi avancés était nourrie par ma curiosité naturelle. Rares étaient les films que j’avais vus datant d’avant 1960, et Metropolis est venu chambouler totalement ma vision du cinéma. Il n’a suffi que de deux petites minutes, à la vision du générique et, surtout, à l’ouïe du puissant thème d’ouverture signé Gottfried Huppertz, pour comprendre que j’allais avoir à faire à une grande œuvre.
Dès les premières minutes, Fritz Lang invoque la puissance des images, avec ces énormes mécanismes, ces foules d’ouvriers qui se succèdent pour faire fonctionner les machines, les immenses stades où les jeunes premiers s’amusent, et la ville, gigantesque, qui vient donner son nom au film de Fritz Lang. Puis ces galeries, les images de la légende de la Tour de Babel, Yoshiwara, le quartier de la débauche, l’animation de la femme-robot… Je pourrais continuer à enchaîner les superlatifs pour qualifier ce film et tous les éléments qui le composent, tant Metropolis est grand.
De toutes nouvelles perspectives
Mais là où cette rencontre fut particulièrement magique, c’est dans la mesure où elle a totalement bouleversé mes repères en termes de cinéma, notamment au sujet de l’histoire de ce dernier. Alors comme ça, en 1927, les films n’étaient pas juste des petits films avec des bonhommes qui font des farces avec de vieilles images saccadées et parfois accélérées ? Oui, j’avais bien vu Le Mécano de la General (1926), autre œuvre majeure du cinéma muet, une dizaine d’années auparavant. Mais, depuis, mes a priori avaient pris le dessus et considérablement étriqué ma vision du cinéma muet.
Et j’ai vu tous ces magnifiques plans, ces jeux de lumières, ces surimpressions, ce montage, ces images de l’immense machine transformée en monstre qui dévore les ouvriers, cette célèbre scène de l’animation de la femme robot… Toute cette vision du futur, foisonnant de détails, est d’une richesse folle, capable de se projeter dans un XXIe siècle fantasmé, tout en racontant une fable universelle et intemporelle. Fasciné par la beauté formelle du film, emporté par son discours, j’ai été frappé par ce qu’est la puissance cinématographique, mettant alors à terre tous mes préjugés sur le cinéma de l’époque. Le cinéma muet permet de vivre les expériences les plus pures, avec l’association des images et de la musique, où les deux, quand elles sont bien associées, permettent d’entrevoir l’essence du cinéma. Et c’est là que commença ma découverte du cinéma muet, si riche en chefs d’œuvre et, de manière plus large, ma découverte du cinéma dans son ensemble.
Un miracle du cinéma
Ce qui est également fascinant, c’est la manière dont l’œuvre a vécu après sa sortie. Metropolis a été un échec en salles, alors que le film fut un véritable ogre, une superproduction au budget atteignant des niveaux sans précédents, auquel s’ajoute l’exigence de Fritz Lang, qui fit du tournage une véritable épreuve. Et, pendant des dizaines d’années, le film fut soumis aux censures, coupé, remonté… De nombreuses versions du film virent le jour, sans jamais correspondre à la version originale.
Presque une heure de film avait disparu, mais à force de recherches, les morceaux purent peu à peu être recollés, jusqu’à ce que l’on retrouve, en 2008, en Argentine, une copie 16 mm quasiment complète permettant de retrouver quasiment toutes les scènes alors manquantes et, enfin, de permettre aux spectateurs de découvrir ce qu’était réellement l’œuvre de Fritz Lang, 80 ans après. C’est l’un de ces miracles du cinéma, à l’instar de la redécouverte d’Une page folle (1926), réalisé par Teinosuke Kinugasa, qui avait été retrouvé par son propre réalisateur, enterré dans son propre jardin, presque 45 ans plus tard. La preuve que la survie d’une œuvre ne tient souvent à pas grand-chose et que, comme tout, un film est soumis à l’épreuve du temps, que ce soit dans la mémoire collective, ou au niveau de la matière même du film.
La révélation
C’est ainsi qu’aujourd’hui, si on me demande quel film m’a fait aimer le cinéma, je réponds, sans hésiter : Metropolis. Certes, j’ai grandi avec, j’ai adoré, et j’aime toujours autant revoir les Jurassic Park, Star Wars, Le Seigneur des Anneaux… Mais le film de Fritz Lang est celui qui a subitement allumé la flamme de la curiosité, pour me faire plonger la tête la première dans l’océan infini du cinéma, que je continue d’explorer. Il y a fort à parier que sans Metropolis, je n’aurais pas été plus loin, et je n’aurais alors pas été impressionné par le Cabiria (1914) de Pastrone et le J’Accuse (1919) d’Abel Gance, ému par Le Lys Brisé (1919) de Griffith et par Trois Sublimes Canailles (1926) de John Ford, emporté par Le dernier des Hommes (1924) de Murnau ou par le Michel Strogoff (1926) de Victor Tourjanski, porté par l’immense Ivan Mosjoukine.
Et ce ne sont que quelques noms parmi les centaines de films que j’ai pu découvrir ces dernières années, depuis que j’ai découvert le film de Fritz Lang. Nous avons tous, quelque part, ce film qui crée un déclic, qui nous fait franchir une étape, qui nous interpelle. Pour moi, c’est Metropolis, qui est devenu la pièce maîtresse de mon temple cinématographique.
Critique écrite en 2014 et réécrite en 2020
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Créée
le 30 août 2014
Critique lue 942 fois
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