Le scope noir et blanc est sublime, la mise en scène étudiée et propre, montrant par l'évidence que Freddie Francis est un réalisateur sous-estimé. La première partie angoisse, tant elle mêle jusqu'au vertige la réalité et le rêve tournant au cauchemar pour celle que l'on pense être la jeune héroïne de l'oeuvre.
On se souvient que la Hammer est derrière le film et l'on se dit, presque mis en confiance, que la peur ne lâchera jamais son emprise sur le spectateur subjugué par des prémisses prometteurs. Car il s'agit , à première vue, d'un récit de la folie ordinaire, de la vie d'une jeune prise d'effroi à l'idée de finir comme sa mère et doutant de sa santé mentale. Le drame familial est prégnant, son poids lourd sur la psyché.
Et si on est donc loin des films les plus classiques et connus du studio et du bestiaire habituellement convoqué, ces premières minutes n'en demeurent pas moins intrigantes et passionnantes, l'argument fantastique promettant un récit étrange et pénétrant. La réalité est systématiquement questionnée, les visions trompeuses. L'inventivité de l'ensemble est mise au service d'une jolie construction scénaristique.
L'ambiance oppressante, soulignée par le noir et blanc, achève de convaincre et de se dire que l'on fait face à un nouveau bijou.
Sauf que le fantastique décrit et installé avec un art consommé cède finalement la place à peine à mi-parcours. Provoquant une certaine déception. Au profit d'un énième récit de machination assez balisé, dont les ressorts sont cachés à grand peine.
Au point qu'il ne sera pas interdit au spectateur de penser se retrouver devant ce qui semble être au final, seulement, un banal thriller domestique. Et si Freddie Francis se démènera comme un beau diable pour que sa réalisation ne faiblisse pas, il ne pourra empêcher celui qui aura payer sa place de se sentir, quelque part, floué. Car il s'attend immanquablement à un retour du fantastique, des graines ayant été semées en ce sens. Mais rien ne viendra.
Et si l'on essayera encore une fois de jouer sur la santé mentale de la nouvelle victime, il s'agit bel et bien, dans ce Meurtre par Procuration, de machination bassement terre-à-terre. D'un film aux allures de fable maladroite, aussi, où l'arroseur est arrosé, ne provoquant aucune espèce d'empathie puisqu'il a passé un pacte sans retour avec le diable dans la première partie de l'oeuvre.
L'efficacité de la mise en scène a beau être au rendez-vous, et nombre de pistes évoquées, toutes plus séduisantes les unes que les autres, la résolution de l'intrigue ne pourra que décevoir dans les dernières minutes de projection. Faisant penser en plus d'une occasion à un film qu'Hitchcock aurait pu tourner alors qu'il était en petite forme.
Si la réalité dépasse le cauchemar, force est de constater qu'elle le fait au détriment d'un film superbe de mise en scène, qui aurait gagné beaucoup à procéder à un mélange plus habile, à une harmonie mieux gérée. L'ambivalence et l'inquiétude convoquée en aurait été démultipliées, magnifiées, anxiogènes.
Behind_the_Mask, en direct de l'asile.