Michael est normal. Michael retient un enfant captif dans sa cave. Michael le viole normalement. Michael n’aime pas les enfants. Il ne les déteste pas non plus d’ailleurs. Michael n’aime personne. Michael aime le quotidien et ses rituels. Il n’y a pas de scène de viol. Michael est le prénom de Haneke. Michael est autrichien. Michael ne fait pas de vagues et on est content de lui à son travail. Michael est la banalité du mal. Il n’y a pas de BO.
Michael joue avec Wolfgang, il ne pas le brutalise pas, il a juste une mentalité de robot. Quand il dit : « Tu préfères que je te plante mon couteau ou ma bite ? », c’est de la communication de robot, voire de l’humour de robot. D’ailleurs Michael se fout de la réponse de Wolfgang (« Le couteau »). Michael offre indifféremment Harry Potter 5 à tout enfant de sa connaissance. Cadeau non seulement uniformisé, mais aussi insipide puisque c'est un best-seller. Un best-seller qu’il a pêché au hasard dans une série. Michael ressemble lui-même à un type pêché dans une série. Il ne se soucie pas qu’il faille avoir lu les épisodes précédents. Michael est sans passé. Michael a peur des femmes. C’est le seul indice que Schleinzer donne pour expliquer sa perversion et qui de ce fait l'humanise un peu, mais pas assez pour que l'on ne se réjouisse pas de sa fin inattendue et brutale.
C'est digne de Haneke sans être du Haneke. C'est sobre comme du Bresson sans être du Bresson. C’est un peu du Pinter par les dialogues qui taisent plus qu’ils ne disent. C'est fort et personnel sans être du « cinéma d'auteur ». C'est aux racines de la pédophilie ce que Funny games est aux racines du fascisme, le point commun étant la réification de l'autre et l'incapacité subséquente à le considérer comme un être humain.
La chanson Sunny, seule musique du film, on l’entendra au générique de fin. C’est une chanson d'amour en contrepoint à des personnages qui en manquent cruellement, et dont le titre souligne avec un humour noir certain le noir de la cave, la noirceur du film, le trou noir qu’est Michael. C'est d'ailleurs sur un plan noir, sec comme une censure, que s'achèvera le film.
Markus Schleinzer a déclaré avoir voulu explorer la frontière entre le normal et le monstrueux. Markus Schleinzer, ancien assistant de Haneke, est déjà un maître de l’ellipse et de la suggestion. Markus Schleinzer : un nom à coucher dehors, mais que j’espère promis à un bel avenir.