Il suffit à la caméra de s’attarder sur le visage de Mads Mikkelsen pour que le sombre charme opère : un personnage, une intention, une violence latente, tout l’amour du monde, aussi, vibrent dans cette présence.


Tout ce qui l’entoure ne sera que l’écrin de cette évidence : la lande cévenole, les roches, la musculature chevaline, le soleil occulté au gré du vent par les nuages.


Michael Kohlhaas restitue moins le parcours d’un homme que son inébranlable conviction : celle d’obtenir réparation pour une atteinte à sa personne. A la princesse dont il fait vaciller le royaume, et qui lui demande s’il est fanatique, il répond : « J’ai des principes ».
Minéral, sobre et brut, Kohlhaas affronte la rudesse d’un monde ancien, où l’on change les règles en fonction des opportunités : XVIème siècle encore tout pétri, dans sa nature sauvage, par la violence médiévale.


Il ne s’agit pas d’opposer aux temps ancien une figure humaniste qui en serait le phare nouveau et isolé : Kohlhaas est un homme de son temps : un corps, avec son épouse, un silencieux en osmose avec ses bêtes, et qui, sans le vouloir, va entraîner à sa suite l’armée des muets dans une jacquerie dont il ne maîtrisera pas le terme.


La puissance romanesque du récit conserve un atout majeur, celui de ne jamais tout sacrifier à la reconstitution : les dialogues semblent contemporain, la langue trop littéraire dans la bouche de certains : c’est qu’on a conscience d’être au service d’une fable presque atemporelle, où le corps qui souffre, jouit ou affronte ne s’embarrasse pas de convenances. De ce fait, l’accent aussi acéré que le sont les traits de son visages rendent le danois plus imperturbable encore au monde qui l’entoure, et suit la crête aiguë des roches montagneuses.


Arnaud des Pallières parvient à donner ce sentiment rare face à un personnage : le cinéaste est à son service, et les moyens qu’il met à sa disposition dénotent l’admiration profonde qu’il a pour lui. C’est particulièrement vrai dans le lien de Kohlhaas aux paysans qui le rejoignent et qui fera conclure à la princesse :



Tu vis autant de l’amour que de la crainte que tu inspires.



Cet ascendant involontaire, ce rôle de porte-drapeau est le point de pivot du récit tragique : alors que l’homme ne cherchait à revendiquer qu’en tant que propriétaire et mari, le voilà à la tête d’une armée qui lui échappe, et précipitera sa chute.


C’est pourtant dans le silence que tout se joue, quelle que soit l’intensité du drame : victoire et défaite, justice et adieux à ceux qui restent : Kohlhaas prend ce qui vient avec une minéralité que certains nomment indifférence, d’autres la sagesse. Mais ce mutisme a, quoi qu’il en soit, la densité bouleversante d’un paysage de montagne : il nous domine et nous inspire l’admiration.


(8.5/10)

Sergent_Pepper
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le 30 mars 2016

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Sergent_Pepper

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