Michel Onfray, ici et là, et puis ailleurs, et autre part aussi !

        Pour tout dire, dans ma série "Penser le monde aujourd'hui avec...(1)" j'avais bien failli inclure Michel Onfray, un temps enthousiaste à son sujet. Et puis le questionnement suivant est venu tempérer mes ardeurs :
« Onfray ? Attendez ! Mais… cet essayiste apporte quoi à notre compréhension du réel ? A t-il seulement saisi quelque chose d’un questionnement aujourd’hui incontournable : qui fait quoi, à qui, où, comment, pour-quoi et pour le compte de qui ? Pour ne rien dire des voies qu'il nous faudrait explorer pour sortir de ce qui ressemble fort à un coup d’Etat permanent sur la démocratie, la justice et la liberté par des forces qui contrôlent une désintégration systématique et mondiale de l’identité humaine. »

J'ai cherché, je n'ai pas trouvé.


Même si Onfray semble sincèrement de gauche, tendance Mélenchon...


            - A propos du NPA et du slogan  « En finir avec le capitalisme !» n’avait-il pas manqué de faire le commentaire suivant :  « C’est quoi cette connerie ?! » puisque… cela n’aura échappé à personne… tout comme le Marxiste en tant qu’outil d’analyse, le capitalisme est sans aucun doute l’horizon indépassable d’un système de production capable de tirer profit de tout,  même de la relation entre un mendiant et celui qui lui fait l’aumône, tout en étant capable de faire mourir de soif celui qui apporte l’eau et de faim, celui qui cultive la terre…

Reste qu'en tant qu’intervenant médiatique, il ne nous donne pas grand chose à nous mettre sous la dent bien en peine qu'il est de projeter un peu de lumière sur un réel qui nous étouffe tout en nous échappant, aussi évanescent que pervers, chaque jour un peu plus liberticide et criminogène.


       Essayiste pour une classe moyenne dont le flirt avec ce qu'elle croit être "le monde des idées" aussi famélique et timoré soit-il, trahit sans aucun doute un besoin de supplément d'âme... au sujet d'Onfray, quelle conclusion tirer de son absence de contribution autour des graves questions économiques, sociales et culturelles qui secouent régulièrement la société française ?

Refus de se salir les mains avec l’actualité politique et sociale, là où sont tous les pièges, lieu de tous les dangers pour un intellectuel de service minimum car ne faut-il pas alors nommer les choses et les gens ?


Comme si cela représenterait à ses yeux un trop grand risque : risque de se tromper, risque de déplaire, risque de révéler un penchant bourgeois-conservateur soucieux avant tout de pérenniser une réussite commerciale qui compte peu d’élus dans l’Edition ?


Développement personnel, affirmation de soi, thérapeute, gourou pour un peu puisqu’il paraît que « Onfray, ça fait du bien ! », publication après publication - deux par an en moyenne depuis 20 ans (2) -, que faut-il attendre de cet essayiste ? Des conférences sur des "penseurs" qui appartiennent à une histoire de la philosophie dite alternative parce que… délaissée mais qu'il faut bien se résoudre à qualifier d'anecdotique ?


Lui qui a les oreilles d’un vaste public et la confiance des producteurs (Onfray sait jusqu’où ne pas aller trop loin, quitte à faire du sur-place !) , pourquoi ne s’attacherait-il pas à sortir de l’oubli et à réhabiliter des intellectuels proches de nous, tel que, entre autres penseurs, Clouscard aujourd'hui oublié, chef de file d'une critique sans concession du libéral-libertaire et autres bobos qui nous ont conduit, le PS en tête de cortège, là où nous sommes aujourd’hui ; et même si nous ne sommes pas les seuls en Europe, cela ne nous console de rien.


Faut dire qu’avec Onfray et sa promotion de l'individualisme, de l’hédonisme et de son post-anarchisme (mais très très post alors ! Voire même… passé !) - anarchisme à la Brassens, entre deux accords de guitare et un cassoulet maison avec les copains dans le bruit et la fureur de vivre pour l’instant qui arrive, passe et revient tous les week-ends mais cette fois-ci avec un gigot d’agneau -, les bourgeois des beaux quartiers peuvent dormir tranquilles et les boutiquiers des rues Montaigne et saint Honoré aussi à l’occasion de la prochaine manifestement de la CGT entre République et Nation, avec ou sans Mélenchon volontairement exilé à Strasbourg, là où la prochaine révolution ne manquera sans doute pas de nous surprendre tous dans notre sommeil.


Force est de se rappeler que l’on a connu des Autonomes, eux aussi anarchistes, à la batte de baseball plus volontariste et mieux inspirée.


       Certes,  il a fallu à Onfray un peu de courage pour s'attaquer à la personne de Freud même s'il était assuré du soutien du grand public, sachant aussi que le succès commercial de ses livres compenserait largement le déplaisir et l’agacement d’une clique parisienne capable à tout moment de vous couper les ailes et de vous faire trébucher. Leurs sanctions : bannissement des médias et campagne de calomnie.

Faut dire qu'Onfray n'a jamais pour autant condamné la psychanalyse en soi mais ses larbins, à genoux... idolâtres serviles devant la statue du commandeur Freud, Onfray privilégiant une alliance de la psychanalyse et du marxisme ; une psychanalyse de gauche donc qui déclarerait tous ses revenus et qui paierait tous ses impôts ; une psychanalyse citoyenne et non une psychanalyse parasitaire de hyènes et de sangsues fraudeurs du fisc selon le principe suivant : Rien dans la tronche, tout dans les poches... pleines !


            Déboulonner les certitudes et les statues !

Nul doute, cette charge contre Freud (et plus tard contre Lacan et son obscurantisme qui frôle le plus souvent l’escroquerie) était salutaire ! Et sur Sartre aussi, le roi de l’omelette et des œufs qui faut bien se résoudre à casser, au profit d’un Camus soucieux d’éthique, des fins et des moyens (après tout, il n’y a pas de raison que ce soit toujours les mêmes qui trinquent : Marx, Lénine… les communistes et l’extrême gauche)...


Mais que penser de cet acharnement, ouvrage après ouvrage, sur un Christianisme pourtant moribond, sans plus d’influence que des représentants parfois dignes s’essoufflent à tenter de faire encore un peu exister car, enfin on ne tire pas sur une ambulance ! Sans doute Onfray s’est-il trompé de siècle en s’acharnant sur le maillon le plus faible de la chaîne mondiale du décervelage et de l'abêtissement ; chaîne formée par nos princes de l’audimat, les maillons forts, aux compagnons de cordée à l’ascension arrogante parce que triomphante, au sommet de leur art de basse besogne.


Quant à son mentor et Maître Nietzsche , là encore, aucun risque, Nietzsche faisant quasi l’unanimité à droite comme à gauche puisque tout le monde peut y trouver son compte, Nietzsche rendant bien des services, un peu comme les restos du cœur et l’armée du salut.


D’aucuns vous avoueront en privé qu'ils ont un peu de mal avec Onfray depuis son : "Les services secrets doivent s'occuper de Dieudonné !". C'était à l'occasion des élections européennes, alors que Dieudonné se présentait sur une liste anti-sioniste. Ce jour-là, Onfray s’est révélé être un libertaire et un gauchiste d'un nouveau type : du type petit flic, mou des genoux, adepte de l'assassinat politique d'Etat. A croire qu’il avait besoin de donner des gages de bonne conduite après ses récentes prises de positions sur le sort injuste et cruel qui est fait aux Palestiniens ; quoiqu'il en soit, la réaction excessive d’Onfray ressemble fort à de la panique : pas de nerfs Onfray, aucun sang froid ! Si ça barde un jour, faudra donc pas compter sur lui. On est prévenus. Faudra pas dire qu’on ne savait pas.


Reste à espérer depuis la cabale lancée contre lui à propos de son ouvrage sur Freud et plus tard dans son soutien à Jean Soler et son « Qui est dieu ?» qu'Onfray en sortira plus avisé, un peu plus mûr, un peu plus profond aussi, plus large, avec plus de hauteur.


Révolution géométrique pour Onfray : celle des volumes et des espaces.




     Animateur d’une Université dite populaire qui, si elle ne lui coûte rien sinon un peu de temps,  lui rapporte surtout des lecteurs (développement et fidélisation de la clientèle), Onfray est un des essayistes les plus prospères de l’édition, un des plus gros vendeurs de livres : sur 20 ans, des tirages entre 40 000 et 200 000 exemplaires), et ce bien que la diffusion sur France Culture, année après année, des conférences de cette Université Populaire (succédané d’une université du 3e âge ou de pré-retraités déjà en vogue dans les années 70 : moyenne d'âge : 60 ans) conduites par le Maître en personne, grand oral et cours magistral devant une audience silencieuse, sans doute à la fois médusée et comme hypnotisée, tourne vite à l'ennui car il y a bien quelque chose de routinier mais d'authentique... authentiquement creux au royaume d'Onfray, quelque chose comme un manque, presqu'un vide mais... plein, à ras-bord.

Faut-il y voir là une vocation contrariée de chef de cuisine qui ne change pas une recette qui a fait ses preuves et porté ses fruits ?


       Avec Ruquier et ses acolytes on dit que le service public est à fond côté impertinence (… Peut pas faire plus ni mieux !), et ailleurs, dans le privé, c’est le néant de la bien-pensance qui ne pense plus rien sinon ce que tout le monde pense, ou bien alors, la désinformation pour omission. Jamais nous n’avons eu à notre disposition autant de canaux de diffusion et aussi peu de liberté et d’audace, Internet demeurant, bon an mal an, le dernier espace de liberté même si la censure pourra toujours frapper les plus "téméraires" d'entre nous... comme ces milliers d'auteurs et de bloggeurs, dont les comptes sur les plateformes d'hébergement sont clôturés sans préavis ni explications par des responsables éditoriaux lâches et veules (on m'affirme que certains d'entre eux changent de pantalon plusieurs fois par jour), et par des « modérateurs » (ainsi appelés) véritables commissaires politique ; et pour finir... par des petits chefs et caporaux bornés et incultes.

Difficile alors de ne pas penser au fait qu’Onfray doit tout à ce système médiatique-là et à ses animateurs et producteurs qui choisissent régulièrement de l’inviter. Et quand on sait ce que ce système est aujourd’hui capable de laisser dire et de laisser entendre...


        Aussi… au fil de notre réflexion, il devient tentant non pas d’opposer Onfray à BHL (3) mais… telles deux faces d’une même pièce car si tout les sépare, tout les réunit, de définir un Onfray de gauche, casanier aux origines prolétaires, vivant en province (Argentan dans l'Orne)… pendant d’un BHL de droite, parisien, globetrotteur et millionnaire car, pour l'heure, pour nombre d'entre nous, si Michel Onfray semble avoir trouvé des solutions pour lui-même... et s'il est aussi présent ici et là, et parfois ailleurs, et autre part aussi, n'est-il pas surtout et plus simplement... introuvable là où on attend ceux qui marquent définitivement de leur empreinte leur temps et leur époque, et par la même occasion, leurs contemporains et leurs consciences assoiffées de sens, et ce pour les siècles des siècles...................................................................
Amen.



1 - Dans cette série, on y trouvera Rousseau, Morin, Soral, Steiner, Dieudonné, Chevènement, Kémi Séba, Chouard, Chomsky, Bartleby, Clouscard, Paul Ariès, Michéa, Pierre Carles, Emma Bovary, Piero San Giorgio, Atzmon, Guy Debord, Irène Frachon, Georg Lukács, Jules Romains...


2 - Ceux qui n'ont peut-être pas idée, en auraient-ils dix par jour ?


3 - BHL, pour ceux qui ne le savent toujours pas (et il y en a !), est un intervenant médiatique qui se situe à droite de l’échiquier politique car il est bien du côté de ceux qui cognent, et qui plus est... sur les plus faibles sans aucun souci de justice et d'humanité.

sergeuleski
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le 26 nov. 2018

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Serge ULESKI

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