Mickey 17
6.8
Mickey 17

Film de Bong Joon-Ho (2025)

Fort de son dernier succès international avec Parasite (2019), c’est une nouvelle comédie noire sur fond de satire politique, à la production américaine cette fois-ci, que nous livre Bong Joon-Ho avec Mickey 17. Le film adaptation du roman de science-fiction Mickey7 (2022) écrit par Edward Ashton, met en scène Mickey Barnes, un « remplaçable », c’est-à-dire un humain dont la mémoire a été sauvegardée et dont le corps peut être « réimprimé » à chaque fois qu’il décède. Cette faculté fait de lui le candidat idéal à toutes sortes de travaux pénibles et dangereux (testeur de virus, de radiations solaires, de résistance au froid), qu’il est tenu d’exécuter sans le moindre congé payé ni assurance maladie.

Le film se démarque par son casting : Steven Yeun, Toni Colette, Mark Ruffalo, Naomi Ackie, mais également Anamaria Vartolomei, remarquée par son incarnation du personnage d’Haydée dans le Comte de Monte-Cristo. Mais c’est surtout Robert Pattinson qui est au centre de l’attention, incarnant un anti-héros lâche, nonchalant et un rebut de la société, traversant un monde au bord de l’effondrement, et se retrouvant mêlé au sauvetage de ce dernier contre sa volonté. Convaincant dans la peau de ce protagoniste typique des fictions du réalisateur, Robert Pattinson dédouble progressivement la personnalité de Mickey, de l’innocence à l’agressivité, de la lâcheté à la folie, il expose sa palette de jeu et prouve qu’il est définitivement un acteur polyvalent.Cependant, le personnage souffre d’un défaut de développement de la relation entre les deux « multiples », et d’un manque d’objectif clairement défini pour éclairer sa progression, affaiblissant ainsi les scènes dramatiques et le climax de l’intrigue. Si les films de Bong Joon-Ho, savant mélange de drame et de comédie noire, sont difficiles à classer dans un genre précis, la comédie et le grotesque prennent ici le dessus sur le reste, marquant une rupture nette avec le reste de sa filmographie.

L’écriture souffre aussi de quelques faiblesses. Le réalisateur coréen nous a habitué à un chaos savamment organisé, dans lequel tous les éléments convergent à la fin de l’intrigue. Dans Mickey 17, l’écriture reste hétérogène jusqu’à la fin, la conclusion de certains arcs narratifs s’avérant décevante et questionne l’utilité de certains personnages du film, comme ceux de Anamaria Vartolomei ou de Steven Yeun, qui ne font pas réellement progresser l’intrigue. La satire politique étant la spécialité du réalisateur, de nombreux sujets sont ici évoqués, mais cependant survolés : la montée du fascisme, le colonialisme, l’antispécisme, le capitalisme et l’exploitation des travailleurs, qui auraient mérité d’être approfondis. Enfin, certains éléments du récit ne sont pas vraisemblables, certainement par facilité scénaristique, et brisent le contrat de confiance établi entre l’auteur et le spectateur, laissant à ce dernier un sentiment d’écriture inachevée. Les petites créatures, clairement inspirées du Nausicaa de Miyazaki, sont également sous-exploitées, empêchant le film de déployer la poésie caractéristique du chef d’œuvre d’animation : leur société est peu exposée, la relation entre Mickey et le bébé extra-terrestre est si peu développée que l’on peine à ressentir de l’empathie pour ce dernier. Le discours anthropomorphique à la Avatar (« ils ont des conversations complexes »), qui laisse supposer qu’une espèce doit nous ressembler pour mériter notre respect, peine à convaincre dans sa dimension antispéciste.

Enfin, si la réalisation est propre, la photographie manque cependant de poésie par rapport au reste de la filmographie de Bong Joon-Ho, qui nous a habitué à de beaux plans contemplatifs dans Memories of Murder ou Parasite , dans lesquels chaque image est porteuse de sens, et complémentaire au récit. En conclusion, le fan inconditionnel de Bong-Joon Ho verra en Mickey 17 un élément plutôt moyen de sa filmographie, et dans le même genre lui préfèrera largement The Host , plus solide sur le plan dramatique. Il reste néanmoins un bon divertissement « feel good », et à aller voir en salle ne serait-ce que pour le jeu des « multiples » de Robert Pattinson.


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claudiane
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Claudiane Jf

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