Midi Minuit c'est le nom d'une salle de cinéma parisien spécialisée dans le fantastique et l'épouvante et qui diffusait des films de genre entre midi à minuit. C'est en hommage à cette salle et à cet univers que Pierre Philippe a baptisé son premier film ainsi avec un clin d'œil appuyé à tout ce qui faisait le sel de sa programmation. Sorti en 1970 et interdit aux moins de 18 ans (on se demande bien pourquoi) Midi Minuit est un petit film fantastique au climat étrangement virginal et solaire mais aussi un film d'auteur un peu mou du genou et soporifique.
Le film raconte l'histoire d'un couple venu passé du bon temps chez un ami dans le sud de la France. Ils font ainsi la rencontre de son étrange famille d'artistes tandis qu'un tueur surnommé le sadique de la garrigue fait les gros titres des journaux.
Midi Minuit appartient à toutes cette vague de films fantastico-érotico-poétique qui ont un pied dans le cinéma de genre et un autre dans le cinéma d'auteur. Le film de Pierre Philippe possède ce côté très littéraire un peu ampoulé, très verbeux dans ses dialogues, très art et essais de ne pas t'endormir. Je caricature un peu bien sûr mais le film n'offre finalement pas grand chose de plus qu'une ambiance certes singulière mais au service de presque rien. On est donc dans un premier temps plutôt séduit par cette ambiance provençale et chaleureuse, par cette famille étrange aux allures de secte toute vêtue de blanc, par ce décor entre mas provençal et vieux châteaux en ruines recouvert de moumoute ou par ses personnages d'artistes un peu perchés. Mais une fois tout le décorum fantastique installé on attend qu'il se passe quelque chose et honnêtement on ne sera pas loin d'attendre encore une fois le générique de fin terminé. Le film manque clairement d'enjeux et d'une histoire forte pour venir étayer son ambiance assez séduisante et c'est d'autant plus agaçant que le film de Pierre Philippe malgré un manque évident de moyen est plutôt réussi dans sa mise en images.
Outre son ambiance poétique, solaire et lumineuse Midi Minuit s'appuie aussi sur un formidable casting de comédiens et comédiennes qui même si ils cabotinent parfois un peu sont globalement très bons. Dans le rôle de l'invitée ingénue (mais pas tant que ça) on retrouve la très jolie Sylvie Fennec que je regardais gamin dans la série Mon Ami Gaylord et qui est parfaite dans ce rôle un peu trouble de "victime". On retrouve aussi le grand et inquiétant Daniel Emilfork en patriarche déclamant ses lignes de dialogue avec une évidente délectation et surtout Béatrice Arnac absolument fascinante en artiste peintre au regard magnétique de dévoreuse d'hommes, un magnifique personnage digne des héroïnes des meilleurs univers gothique. Plus effacé le jeune premier Jacques Portet peine à convaincre dans un rôle il est vrai bien moins marquant que les trois cités plus haut.
Midi Minuit fait un peu mentir cet adage qui voudrait que tout ce qui est rare soit précieux, le film de Pierre Philippe est certes une curiosité mais bien loin d'être un incontournable. Il reste une chouette atmosphère, un casting convaincant mais il manque un semblant d'histoire pour tenir le tout.