Duplicity lights
Il faut un certain temps pour mettre le doigt sur l’emprise générée par Midnight Special. Parce qu’il est accidenté, parce qu’il n’est pas exempt de défauts, le trajet qu’il propose nous embarque...
le 17 mars 2016
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Le nouveau Spielberg, donc, comme l'indiquait le poster du film.
Et pourtant, quelle déception ! Le dernier film de Nichols, Mud, était un tour de force bouleversant qui, tout en transcendant la poésie et la philosophie de la littérature américaine (Mark Twain), arrivait à délivrer une oeuvre unique et personnelle. Peut-être ai-je surestimé le talent et la flexibilité de l'auteur.
En dépit de quelques beaux plans, Midnight Special frise l'amateurisme. Des lunettes de plongée ne suffisent pas à me projeter dans un film de science-fiction. La photographie et le scénario frôlent le moyen-métrage Youtube fait un passionné fauché: l'image est léchée, mais le budget fait défaut à l'ampleur et l'ambition du projet. Midnight Special ne dépasse pas le dernier court-métrage Star Wars. Les décors sont vides et ternes, le production design est quasiment inexistant, les effets spéciaux sont peu inspirés, le cadrage est mal fichu, l'éclairage est laid, etc.
Le manque de budget est une chose, mais le manque d'originalité en est une autre. L'intrigue empêche toute projection dans le film: l'histoire a été vue mille fois et Nichols, qui commence à se répéter, n'apporte rien à la banalité de l'intrigue. Au contraire, il la dégrade en y émaillant des défauts scénaristiques : hormis des facilités dignes du pire slasher pour ados (l'accident de voiture, la station essence... les héros sont de vraies têtes-à-claques ! Et Nichols s'enfonce lorsqu'il commence à pomper les retournements de situation du Lucy de Luc Besson !!), le film n'est pas fichu d'introduire correctement ses personnages. Certes, le début du film in medias res surprend agréablement le spectateur, qui s'engage dans une histoire étrange, promesse d'un conte palpitant. Cependant aucun personnage n'est exploité en profondeur. La supercifialité narrative des protagonistes entrave une identification, une empathie, un intérêt. Le père et son fils n'ont aucun dilemme réel à affronter ensemble (méfiance du fils, folie du père, choix entre deux mondes, mise en danger de la mère par l'un des deux contre l'avis de l'autre, doute, colère, etc.), en résulte une intrigue plate et complaisante. Lucas, héros inintéressant et inutile, sert de receptacle d'insultes et de coups lors d'une crise entre personnages, ce qui a pour effet de dégonfler toute tension d'enjeux intéressants entre les héros aux centre de l'intrigue. Lucas est la "troisième" roue du carrosse (s'il on peut le formuler ainsi), mais aussi emblématique du défaut d'écriture.
De manière plus générale, le film est schizophrénique. Tiraillé par sa double identité, il hésite entre deux genres contradictoires et accouche d'une oeuvre hybride et incomplète. Le début se veut thriller, la fin se veut conte. Le road-movie justifie le petit budget, la science-fiction malmène l'intention d'auteur. D'où la désagréable impression de changer complètement de films lorsqu'Alton annonce qu'il appartient à un autre monde. Midnight Special mange à tous les râteliers.
Nichols aura une deuxième chance à Cannes, avec son autre film.
Créée
le 20 mars 2016
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