Duplicity lights
Il faut un certain temps pour mettre le doigt sur l’emprise générée par Midnight Special. Parce qu’il est accidenté, parce qu’il n’est pas exempt de défauts, le trajet qu’il propose nous embarque...
le 17 mars 2016
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Jeff Nichols est un petit nouveau que je recommande grandement. Je n'avais vu que Mud, sur les rives du Mississippi, et ça a suffit pour me hyper pour Midnight Special. C'est un réalisateur très visuel très inspiré par Terrence Malick, d'où une manière de mettre la nature en valeur dans tout ses films. Je n'ai pas encore vu Take Shelter et Shotgun Stories mais si je me base sur Mud, il semble beaucoup se concentrer sur les personnages afin d'en tirer de très bons drames. (en tout cas, soyez sûr que quand son prochain film sortira, je répondrai présent).
Midnight Special est un film atypique dans la filmographie de Nichols, son tout premier film de science-fiction. D'ailleurs, rien que l'affiche transpire d'une influence "Spielbergienne" (je parle de la première où on voit Alton avec ses yeux brillants). En fait, le film entier pourrait avoir été fait par Spielberg (quoique lui aurait fait un film un peu moins lancinant), un road-movie sur un enfant aux pouvoirs surnaturels et avec un père protecteur. Osez dire que vous ne voyez pas une sorte de rémanence de plusieurs points communs dans la filmographie de Steven Spielberg.
Si il y a quelque chose qui frappe dans ce film, c'est qu'il privilégie plus l'ambiance et le mystère en comptant sur le spectateur pour y donner sa vision des choses. C'est un film qui exprime son fond par message subtil et la trame principale porte l'ambiance. Pour ce qui est du background de l'histoire, à savoir le Ranch, le passé de Roy, l'implication de Sarah mais surtout, l'origine de Alton, Jeff Nichols nous laisse réfléchir par nous-même. Le mieux est de se donner sa propre réflexion sur la nature et l'origine de l'intrigue. A ce titre je vous conseil de regarder Midnight Special afin de vous donner votre propre avis.
Les théories fusent à foison pour le spectateur dans ce film:
Depuis quand le Ranch existe ? Car apparemment Roy les a intégrés il y a longtemps. Quel est la nature d'Alton ? Car visiblement il n'est pas un extra-terrestre hybride vu qu'il a ses deux parents humains (quoique...^^), il n'est pas non plus un ange tombé du ciel. Et cette civilisation ? Est-ce des dieux ? Des extra-terrestres ? Est-ce une dimension superposée au notre ? Où plus délirant, est-ce le futur ? (je l'invente pas, on dirait Tomorrowland). Mais du coup, Alton est quoi par rapport à cette civilisation ? Un fantôme égaré ? Un messager ? Un précurseur ?
C'est au spectateur de l'imaginer.
L'ambiance du film mise sur la lenteur et sur la cavale en imprégnant son récit de l'historique approximatif des personnages à travers ses dialogues. Il y a bien entendu des rebondissements, la cavale de Roy, Lucas et Alton est rendue difficile par la secte dénommée "Le Ranch" et le gouvernement. Et là-dessus, le film gère bien son rythme, accompagnée de la musique de David Wingo, il instaure une ambiance très mystérieuse. Mais on remarquera par moment que le film peine à tenir en haleine au vu du manque d'éclaircissement dans son intrigue et des personnages dont on a du mal à s'identifier au vu du peu qu'on en sait sur eux. Ce qui est un bon point global représente aussi un défaut dans certains moments précis. Le spectateur doit faire fonctionner son imagination à plein régime pour pouvoir combler les trous volontaires de Nichols.
Les acteurs ont un jeu sobre très serviable, c'est surtout dans le jeu de regard qu'on les suit. Que ce soit Michael Shannon et Kirsten Dunst avec leurs jeu de père et mère aimants, Adam Driver en analyste de la NSA. Un défaut réside dans leur manque d'évolution dans la trame. Joel Edgerton par-contre, malgré son statut de personnage secondaire est la bonne surprise du film. Avec lui, même si les raisons qui le pousse à suivre Roy et Alton sont compréhensibles mais expédiées, on sent une très nette évolution dans son personnage.
Notamment pendant le passage où Alton fait montre de ses pouvoirs devant lui et qu'il lui demandait si "il croyait" jusqu'au moment où il est prêt à le suivre jusqu'à une possible mort.
Alton incarné par Jaeden Lieberher, donne une prestation très démarquée par le statut de son personnage. Comme une sorte de déité qui transmet une connaissance aux personnes qui le suivent ou le guide (à ce titre le mystère irrésolu d'Alton est une bonne idée, comparable au mystère de Jésus Christ).
Les membres du Ranch sont, eux par-contre, surtout utile dans la trame pour donner un parallèle très utile à la religion.
Mais on regrettera qu'ils quittent purement et simplement la trame dans la dernière demi-heure, car mise-à-part le contexte religieux, ils n'ont pas apporté grand chose, notamment dans la cavale ou leur implication se limite à une seule action qui se fait au passage vite stoppée par le FBI.
Je trouve cette secte sous-exploitée dans le film et il y avait matière à faire beaucoup plus pourtant.
Les personnages sont donc au final, des personnages ordinaires qui tentent de trouver un sens à ce qui les entoure avec ce petit garçon.
La réalisation de Jeff Nichols passe très bien, l'utilisation très judicieuse de la lumière naturelle est une idée de génie car elle marche en contraste avec la lumière surnaturelle produit par des lens flare de très bonnes qualités. Après, la photographie n'est pas la meilleure, les paysages naturelles dont Nichols est adepte ne sont pas aussi bien mis en valeur qu'on le voudrait, ce qui est dommage venant de lui. Cependant on retrouve cet attrait avec certaines touches
comme la pelouse qui meurt quand Alton se trouve au plus mal, ou le fait qu'Alton ait besoin de lumière solaire pour se guérir comme font les plantes avec la photosynthèse.
Jeff Nichols se permet aussi des minuscules traits d'humour suffisamment subtils pour ne pas entacher le rythme (petit sourire devant le soldat nommé Carpenter ?). Mais un gros point négatif serait pour la fin,
avec cette civilisation et cette cité qui apparaissent dont les effets numériques sont malheureusement flagrants et peut-être aussi trop en arrière-plan, car une chose comme ça aurait mérité d'être LA claque du film et à la place on a un simple décors qui peine à impressionner par les temps qui courent avec la mode des Blockbusters actuels. Dommage.
Mais après, le film n'est rien sans l'interprétation individuelle du spectateur. La mienne comme la votre.
Midnight Special marque un tournant dans la filmographie de Jeff Nichols, un film de science-fiction possédant néanmoins ce qu'il fait de mieux, du dramatique avec des personnages. L'ennui est qu'à trop favoriser l'ambiance, il délaisse ce qui fait que Mud et Take Shelter sont ses œuvres phares, mais on peut supposer qu'il l'a fait exprès pour mieux faire intervenir le spectateur dedans, car il est évident que le suspens et le mystère sont mis en évidence. Cela est et restera probablement ce que ce film présente au spectateur: une interprétation.
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Créée
le 21 mars 2016
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