Le récit d’apprentissage proposé par Migration, qui n’a rien d’original si ce n’est le choix de canards comme personnages principaux, se voit heureusement dynamisé par les différentes étapes jalonnant le voyage, depuis le marais inquiétant jusqu’à la mégalopole en passant par un parc d’élevage, chacune étant incarnée par un volatile totem (le pigeon, le perroquet etc.). C’est là que réside le savoir-faire du studio Illumination : l’alliance du rythme et de protagonistes sympathiques, qui bénéficient d’une écriture rigoureuse à même de concevoir un caractère singulier mis au contact d’autres. Aucun studio d’animation, si ce n’est Pixar dans sa formidable saga Toy Story, n’a su aussi bien capté les dynamiques de groupe : il y a les chiens et les chats pantouflards de Pets, la camaraderie de Mario et Luigi, le sens de la famille de Gru et de ses filles, la collectivité écrasante des Minions. Même le Grinch raccorde l’isolé à la bourgade qu’il pensait pourtant détester.
Migration présente le mouvement comme nécessaire à la mise à l’épreuve de l’identité familiale ainsi qu’à l’épanouissement de chacun, balayant d’un revers de main la sédentarité. Autant dire que le film, sous ses couleurs chatoyantes et ses blagues amusantes, vole à contre-courants de l’idéologie nationaliste, plaidant en faveur de l’ouverture des frontières et du brassage des populations. Cette morale se double d’une autre à destination des parents qui doivent apprendre à laisser de côté leurs préjugés pour offrir à leurs enfants les conditions de leur ouverture d’esprit, et faire front commun sans disparités singulières – en témoigne la métaphore de la salsa, danse où les deux partenaires doivent coordonner leurs déplacements. L’animation, fluide et soignée, assure un spectacle qui emprunte aussi bien à Chicken Run (Nick Park et Peter Lord, 2000) qu’à Rio (Carlos Saldanha, 2011), sans oublier quelques références plus inattendues, comme le couple de vieux tordus tout droit sorti de The Texas Chain Saw Massacre (Tobe Hooper, 1974). Un vrai plaisir !