Troisième découverte du cinéaste méconnu Kyotato Namiki. La première, Les noces vampiriques, était un médiocre film fantastique ; la seconde, Police militaire et la beauté cadavérique, un basique mais correct film de fantôme à la Nakagawa et ce troisième s'impose comme un excellent chambara autrement plus abouti et singulier.
La narration tout d'abord est remarquable reposant sur de nombreuses ellipses qui compressent le temps avec intelligence. En moins de 10 minutes, on a déjà eu la présentation du héros, sa progression fulgurante dans son dojo et la succession de désillusions grandissantes qui commencent à l'affecter. C'est très percutant sans pour autant sacrifier sa psychologie.
Hirate Miki fait ainsi à peine 65 minutes et proposent de nombreux thèmes qui critiquent déjà l'univers des samurai, anticipant les œuvres contestataires des années 60 (ou en prolongeant les films muets de Daisuke Ito). Outre l'arrivisme, la corruption et les conflits d'intérêts, il y a un parallèle osé entre les samurai et les geisha, obligé de marchander leurs "corps". L’amertume est ainsi le sentiment prédominant avec son héros qui n'a plus goût à la vie, cherche à fuir cette capitale injuste, se détourne de ceux dans le besoin ou et rechigne à protéger les plus faibles. Son évolution et son parcours tendent évidement vers une rédemption rendue compliquée par une maladie qu'on suppose mortelle, affaiblissant ses capacités.
Visiblement inspirée par ce personnage de Hirate Miki, très populaire au Japon (et figurant par exemple dans le premier Zatoichi), Kyotaro Namiki se surpasse et adapte sa réalisation à l'humeur et aux aspirations de son personnage, comme des sources de lumières de plus en plus présentes et pénétrantes dans la seconde partie, quand Hirate se refait une conscience. Il y a ainsi de jolis effets de lumières qui donnent une vraie atmosphère spirituelle à ce récit, et qui sont parfaitement intégrés au récit comme les bambous tranchés qui permettent de repousser les adversaires lors du final.
Dans l'ensemble, il y a une vraie rechercher de dynamisme par les choix de montages, la concision du scénario et aussi par une caméra souvent en mouvement avec de nombreux travelling astucieux qui n'ont rien de gratuit comme celui, très habile, où l'on passe de deux geisha discutant à Hirate,seul dans une pièce, et dont le dialogue résigné pourrait être la voix-off du héros masculin.
Pour finir, la composition des plans est elle aussi inspirée, surtout les plans de transitions de la seconde partie, qui font un peu penser aux plans de respirations d'Ozu. Le résultat est très proche en tout cas sur l'impact dans le public (décors vides, sentiments de temps suspendu, mélancolie...). Mais les scènes de combats ne sont pas en reste, davantage pour l'excellente atmosphère que l'énergie ou les chorégraphies.
Une modeste mais ambitieuse série B pleine de noblesse avec un héros pas forcément aimable (joué par So Yamamura) qui prouve une vraie intégrité dans son traitement et une solide maitrise technique, au service d'un récit prenant et même poignant.