Une bien plaisante surprise assez symptomatique de l'approche du cinéaste/co-scénariste qui choisit un roman que les spectateurs connaissent par cœur pour y apporter un regard nouveau. Aujourd'hui on parlerait de préquel car, comme son nom l'indique, l'histoire est narrée du point de vue de Milady, voire uniquement centrée sur Milady puisque les mousquetaires n'interviennent que dans le dernier tiers.
Toute la première heure décrit comment la jeune fille est devenue plus ou moins malgré elle une reine des intrigues au service de Richelieu. L'approche choisie et la psychologie d'Anne sont suffisamment bien écrites pour qu'on évite les pièges de la femme vénale et arriviste manipulant tout le monde pour arriver à ses fins. Elle reste bien-sûr une femme vénale mais demeure moins caricaturale que les autres représentantes du genre. Cette jeune femme est rapidement prise à propre piège et doit constamment pousser son comportement dans une fuite en avant permanente si elle ne veut pas se retrouver à la case départ. Il y a quelque chose d'à la fois de fragile et de calculatrice dans sa nature qui passe bien à l'écran.
Conscient d'un récit pour le moins rocambolesque, Cottafavi prend soit dès le plan inaugural de faire de son personnage féminin une héroïne profondément romanesque, littéralement échappée d'un tableau grâce à un nerveux mouvement de caméra, pour mieux couper l'herbe sous le pied de ceux qui feraient un procès d'intention sur le manque de crédibilité à la vue des nombreuses coïncidences du récit. L'autre manière pour éviter que le spectateur ne se pose trop de question est de foncer pied au plancher et de multiplier les rebondissements qui commencent dès la 3ème minute pour ne jamais cesser jusqu'au dénouement. On a pas le temps de s'ennuyer et le résultat est bien mieux géré que dans Le Prince au masque rouge (pour rester dans une autre adaptation de Dumas) qui était trop éparpillé dans sa narration et enfermé en studio. Ici, il y a beaucoup d'extérieur qui aère le récit et une ligne narrative plus claire évoluant progressivement en court de route pour s'éloigner du sérial et se rapprocher de la tragédie, une nouvelle fois dans une conclusion très belle.
J'ai par contre toujours des réserves sur la réalisation même. Le tempo est soutenu, il y a peu de gras mais le découpage est un peu statique pour un manque de dynamisme qui n'arrive pas à renouveler son style. D'où un sentiment de répétition au bout d'un moment (d'autant que certains personnages ré-apparaissent de manière trop cyclique).
Vu le budget et les conditions de production/tournage, je n'ai pas trop envie de faire la fine bouche et je préfère vanter l'originalité du traitement pour un portrait féminin qui renouvelle le genre tout en le respectant (combat à l'épée, torture en prison, femme fatale, multiplications des péripéties...)