20 ans avant : aux origines du "Ils nous volent not' travail !"

Ce film incarne une opposition patriotique à la globalisation type 'World Company' – une opposition pas entièrement réactionnaire même si elle le sera toujours davantage que celles des variétés socialistes. Il est pertinent et tout ce qu'on pourrait lui reprocher, sinon d'être aussi catégorique, c'est de sous-estimer la réalité. Ou plutôt semble l'avoir sous-estimée vu d'aujourd'hui, puisque cet état s'est renforcés les trois décennies suivantes. Les chiffres donnés sont en-dessous de ceux connus aujourd'hui ; et les cinq entreprises contrôlant l'essentiel ne sont plus une projection, on les appellent GAFAM.


La dénonciation du pouvoir démesuré des multinationales se fait rarement sans flirter ou adopter un point de vue populiste. Il est bien là, sans la régression ou la débilité de nombreux camarades et concurrents relevant de cette catégorie, ou y passant par commodité. La visite du journal local du père désigne ce qu'il y a de légitime, de sain mais aussi d'idiot ou démagogue dans la position du film. Qu'ici on ne se passionne pas pour les émulations parisiennes est bien en soi, sa façon de le dire, ou plutôt sur quoi elle repose, l'est moins. La suffisance paroissiale ne vaut pas mieux que la prédation globaliste. Et elle a le tort d'être plus visiblement bête que les babillages des larbins du pouvoir ou des têtes labellisées pensantes des centre-villes.


L'invention de liens entre la multinationale et le nazisme est décevant – voilà un amalgame ou simplement une tâche collée à l'adversaire inutile et grossière. Le bouillon politique en Amérique latine des vingt dernières années a pu inspirer cet égarement. Pour le reste, c'est un des meilleurs de Verneuil (souvent vain ou moyen - ou surcoté). Il a peut-être plus manifestement vieilli que d'autres mais c'est pour paraître précurseur, connecté au présent depuis son propre temps – un peu comme Videodrome. C'est aussi didactique qu'I comme Icare mais bien plus fluide et efficace, tout en assurant le divertissement. Le dossier 51 pourrait être un appendice de ce film, pour la partie 'basses besognes'. Le jeu de Dewaere est souvent trop lourd sans que cela soit nocif à lui, à son rôle, ou à ses interlocuteurs ; Jeanne Moreau et Annie Duperey sont parfaites.


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le 31 oct. 2018

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