Premier film américain de Guillermo del Toro

Mimic est le premier film américain de del Toro. Repéré après le succès de son premier long métrage Cronos, Guillermo est contacté par le studio Miramax pour réaliser Mimic. Il accepte à trois conditions, très révélatrices de son état d’esprit :
- qu’il n’y ait pas de revolvers
- qu’il n’y ait pas d’explosions
- que le rôle principal soit confié à un afro américain.
Aucune des trois conditions ne sera respectée… Cependant, bien qu’il n’ait pas pu réaliser le film tel qu’il le voulait, il ne le renie pas car il a réussi à imposer sa marque propre, à travers les images, l’ambiance, les couleurs, la musique, à un niveau de profondeur que le studio n’était pas capable d’atteindre.


Mimic a pour thématique des insectes mutants de grandes tailles et dangereux quand on pénètre sur leur territoire. Guillermo del Toro était LE réalisateur qu’il fallait pour tourner ce film car il est fasciné par le monde des insectes. Pour lui, ce sont des créatures belles et les « aliens » de la planète terre. Il sont très différents de l’homme, indifférents à lui et effrayants. Or le cœur du film porte justement sur la dissemblance / ressemblance entre l’homme et l’insecte. Pour tromper l’homme, les insectes cherchent à leur ressembler et ils y parviennent. C'est d'ailleurs le sens du titre du film : Mimic : imitateur. Il y a eu une véritable recherche visuelle pour rendre cette imitation de l'homme par les insectes.


Les personnages sont variés et apportent un lot de réactions différentes : un couple de scientifiques, Susan et Peter ; un enfant autiste capable d’entrer en contact avec les insectes, son père paternaliste ; deux gamins roublards ; un policier tatillon, grognon et émotif, et son assistant. Chacun fait face à la menace comme il peut, avec ce qu’il est. Les scientifiques avec la connaissance qu’ils ont du monde des insectes, l’enfant autiste avec sa capacité intuitive à entrer en relation avec ces créatures étranges, le policier avec son revolver. Trois manières bien différentes d’entrer en relation avec ce qui est différent de soi : l’intelligence, l’intuition, la violence défensive.


Une grande partie de l’action se passe dans les souterrains du métro, nous sommes là dans un registre symbolique. C’est dans la profondeur que vivent les insectes et que se trouve leur nid. C’est en descendant dans cette profondeur que les personnages vont rencontrer le dissemblable semblable à eux. Les insectes sont une image de la part d’inconnu dans l’être humain, de la part de non-humain, de la part d’étrangeté. L’homme se sent parfois comme un étranger pour lui-même.


La couleur dominante adoptée est le bleu. Nous savons que la palette de couleurs a une grande importance pour Guillermo. Il donne un sens à chacune d’entre elles et le sens varie d’un film à l’autre. Ici, le bleu est la couleur de la profondeur, de l’inconnu, de la menace.


Toute cette symbolique est renforcée par la croix lumineuse de Jésus placée sur le fronton d’une église située au dessus des galeries abandonnées du métro et portant ce message : « Jésus sauve ». Dans les œuvres picturales, la croix est représentée au dessus des Enfers, et selon toute une lecture chrétienne, Jésus est descendu après la mort sur sa croix dans la région des Enfers pour en délivrer les hommes morts prisonniers. Ces Enfers, représentent de manière symbolique les parts d’ombre et de mort que chaque homme porte en lui-même, ses hontes, ce qui est innommable, ce qu’il ne veut pas voir, ce qu’il ne veut pas montrer. Dans le film, c’est clairement suggéré par la quantité de « shit » qui se trouvent dans ces profondeurs. Et le petit autiste va entreprendre sa descente dans les enfers souterrains en passant par cette Église surmontée de la croix lumineuse.


Plongés dans ces profondeurs d’obscurité et de désespoir, les personnages appellent au secours ceux qui se trouvent en haut, dans la lumière, hors des galeries obscures, mais leur cris d’appel au secours se perdent, personne ne les entend. En bas la menace, l’étrange, le danger ; en haut la vie qui se déploie à la surface. Le monde des humains ne les entend pas. La « surface », le « conscient » ne connaît pas la profondeur et l’inconscient, il l’ignore, il ne veut pas l’entendre.


Le film est horrifique plus par l’ambiance qu’il instaure que par ses images qui sont la plupart du temps suggestives. Une scène clé située au début du film renforce cet effet de suggestion : Susan explique à l’un de deux gamins le fonctionnement de la société des insectes. C’est ce qui nous permet de comprendre ensuite ce que nous voyons ou ce qui est simplement suggéré.


Le dénouement laisse un goût amer… Guillermo del Toro avait prévu complètement autre chose, cela aurait été tellement plus original. Là, on a une pure fin américaine, plate et basique. Quel dommage !


Si Guillermo del Toro s’est souvent exprimé, avec discrétion, sur les nombreuses tensions rencontrées avec les studios Miramax et en particulier avec Bob Weinstein, il dit aussi avoir appris beaucoup de choses en réalisant ce film. Et surtout, cette expérience a été l’occasion pour lui de se positionner en disant : « plus jamais ça ». Il a décidé de ne plus aliéner sa liberté de création à un studio dont les impératifs sont uniquement budgétaires et dont les décideurs manquent de toute originalité et imagination.


Malgré les contraintes qui lui ont été imposées et les difficultés rencontrées, Guillermo del Toro a réussi à imposer son style. D’autres réalisateurs se seraient aplatis. Rien que pour cela, ça vaut bien un 7 !

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le 15 avr. 2022

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abscondita

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