Comédie étonnamment drôle et acerbe qui a très bien vieilli, Miracle au village est un peu ma découverte cachée de ce mois de septembre. Sortant en version restaurée et passant dans un petit cinéma que j'ai décidé de fréquenter désormais (la 2e fois que j'y suis allée, il y avait Agnès Varda, ceci est un argument en soi), il m'est tombé dessus par surprise alors que j'escomptais plutôt voir un film d'Ettore Scola qui passait peu de temps avant. Grand bien lui fasse !
Sorti en 1944, le film arrive avec un brio incroyable à déjouer les pièges de la censure qui à l'époque se faisait plutôt présente, et à glisser derrière les rires parfois absurdes (comique de geste et chutes en tous genres) une critique plutôt incisive des travers de la société de l'époque.
Car cette histoire est pour le moins particulière. Une jeune femme se réveille après une soirée en compagnie de soldats qui s'en allaient pour le front, et se découvre vite mariée... mais à qui ? Elle a oublié le nom du soldat et, à la suite de formalités juridiques, il s'avère qu'elle n'a pas le certificat de mariage et ne peut donc divorcer. Or si elle est déjà mariée, toute autre union relève de la bigamie... Et que dire lorsqu'on se découvre enceinte hors mariage! La réputation, le qu'en-dira-t-on, l'honneur de la famille, tout ceci ne sont pas des choses avec lesquelles on plaisante. Ou du moins, c'est ce que l'on peut croire. Car au travers des mésaventures de notre héroïne, et de son soupirant charmant et particulièrement simple et niais, on rit beaucoup des travers de cette société, de ses limites, de ses arguties juridiques impossibles, de l'étroitesse d'esprit de certains et de la situation impossible d'une femme obligée à toutes les pires acrobaties pour une simple question de papier perdu. Et que dire de ces soldats qui sans vergogne profitent de l'innocence de jeunes filles dont ils savent ruiner l'existence sans aucun remords.
Mais heureusement, notre charmante héroïne - qui, malgré la présentation initiale de son personnage, évite tout côté insupportable et réussit à dégager beaucoup d'humanité, de charme, et de drôlerie - est fort aidée dans ses aventures de plus en plus rocambolesque. La petite soeur aux répliques acerbes et pragmatiques, le père presque De Funèsien, le soupirant d'une incroyable gentillesse et prêt aux pires gaffes ... Les gags s'enchaînent, mais surtout, les répliques soignées fusent, font mouche, tandis que le comique de situation va croissant au fur et à mesure que le film se déroule et se rapproche de son dénouement plus rocambolesque que jamais.
On rit, par les dieux, qu'est-ce que qu'on rit! Jamais je n'aurais pensé rire autant. Ce n'est pas simplement amusant comme un vieux film daté mais charmant, c'est réellement drôle. Mon fou rire final fut quasiment ininterrompu durant le dernier quart d'heure. Le réalisateur mélange comique de situation, répliques soignées, humour absurde, gags visuels et parfois émotion avec un réel brio. Tenir ainsi le rythme, non seulement tout aussi drôle jusqu'à la fin, mais même de mieux en mieux, allant croissant sans jamais baisser de rythme ni nous décevoir, et user avec parcimonie et efficacité de ses running gags, voilà des qualités qui m'ont plu au plus haut point. Ainsi que la manière subtile d'annoncer parfois dans les dialogues ce qui se passera ensuite dans le film, présenté sur le coup comme quelque chose d'improbable et drôle en soi, avant de réaliser une heure après que, finalement, ce n'était pas si incroyable.
Un vrai coup de coeur. J'avoue avoir été initialement sceptique quant au potentiel comique d'un film quelque peu daté, traitant de plus d'un sujet sur lequel nos moeurs et nos idées ont grandement évolué. J'étais idiote. Preston Sturges signe là une comédie selon mon coeur.