A trop vouloir étreindre, on étouffe, Nanni, on étouffe...
Nanni Moretti serait-il au cinéma ce que Berlusconi est à la politique ?
Connaissant le doux caractère de Giovanni, j'imagine la rage qui l'envahirait à la lecture de cette simple question.
Et pourtant l'omnipotence de ces deux fortes personnalités est indéniable, chacun dans son domaine.
La vision de ce court est en cela particulièrement représentatif d'une face qu'on oublie souvent dans l'effet que Moretti a pu avoir sur le cinéma italien.
Sans lui,on peut considérer qu'on ne parlerait probablement plus d'UN cinéma italien, qui après avoir régné sur l'Europe pendant fort longtemps, s'est progressivement délité au cours des années 80 et surtout 90, victime d'un pouvoir politique pour qui le terme "exception culturelle" était un gros mot. Certains vénèrent Fellini, d'autres le bunga-bunga, les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas.
Et Moretti est arrivé, avec son talent et sa volonté. Il a été tenace, parfois aussi violent que son adversaire de toujours, le distingué Silvio, et a presque à lui tout seul ressusciter ce cinéma au bord du gouffre.
Avec lui, l'Italie du cinéma a retrouvé le goût de la lutte , mais cette influence pose aujourd'hui question. Qu'en sera-t-il demain de ce cinéma qui semble en grande partie reposer sur le combat politique, l'art ne peut éternellement se nourrir de l'opposition, il doit être vivant, riche. Pour survivre, un peuple a certes besoin de crier, mais de rêver aussi.
Donc il n'y a à vrai dire aucune surprise à la découverte de ce court. Fausto Russo Alesi (co-scénariste et acteur principal, lui aussi), bien qu'il singe Berlusconi, est en fait un clone "laborieux" de Moretti. Il a son Don Rocco comme Nanni a eu son Caïman, et le fait de voir ce "diable" sous les traits d'un prêtre, idée sur le papier séduisante, questionne un peu plus sur la manière dont Moretti a peu à peu phagocyté le cinéma de son pays.*
* Cf "La Messe est finie"