A l'instar des livres, les bons films pour enfants sont ceux qui peuvent séduire aussi les adultes. Le réussir nécessite un travail d'équilibriste de la plus grande subtilité, conciliant la naïveté et la lucidité, l'innocence et l'intelligence.
Miraï a toutes ces qualités, et bien plus encore.
Miraï est un film caractéristique de Mamoru Hosoda. On y retrouve ce mélange détonnant et irrésistible entre description tendre de la vie quotidienne d'une famille nippone banale, et le merveilleux qui illumine l'existence.
Kun est un petit garçon dont l'existence est bouleversée par la naissance de sa petite sœur Miraï. Une petite sœur qui ne fait rien pour se rendre aimable : elle accapare les parents, elle refuse de jouer, crie tout le temps et ne sourit jamais.
Et il n'y a pas que Kun qui soit décontenancé par ce petit bout de femme. Le père, devenu papa au foyer, doit reléguer un travail qui était apparemment très prenant pour s'occuper tant bien que mal des deux enfants.
Je ne sais pas si ce fut le cas pour tous les spectateurs, mais je me suis reconnu dans ce père, dans ses doutes et ses interrogations, voire ses peurs face à ce bouleversement. Comment ré-organiser la vie familiale, quel nouvel équilibre trouver, comment s'occuper du bébé sans donner à l'aîné l'impression qu'on l'abandonne, et surtout comment savoir si on fait ce qu'il faut ? Est-ce qu'on réagit correctement ? Est-ce qu'on les entoure suffisamment sans les étouffer ? En un mot : est-ce qu'on est de bons parents ?
Car le film, au travers des étapes qui structurent son récit, parle aussi des parents, de leur évolution. Les parents aussi grandissent au contact de leurs enfants. Il n'y a rien de moins naturel que la parentalité. C'est cela aussi que montre Miraï.
Mais, bien entendu, le personnage principal reste Kun. Et s'il y a bien quelqu'un dont la vie est transformée par Miraï, c'est son grand frère. Le petit garçon essaie tous les moyens pour attirer l'attention de ses parents, de son père en particulier parce que c'est lui qui reste le plus souvent pour s'occuper des enfants. La peur de ne plus exister aux yeux des parents est très forte, et ce qui pourrait passer pour l'attitude d'un sale gosse égoïste n'est, en réalité, qu'un appel, un cri quasi-désespéré. Hosoda parvient là aussi à merveille l'exercice difficile qui consiste à se mettre au niveau d'un enfant, et le cinéaste le fait sans mièvrerie aucune, avec sensibilité, délicatesse, humour et un sens aigu de l'observation.
Le merveilleux entre alors en jeu. Dans une sorte de quatrième dimension attenante à notre réalité, de façon inattendue, Kun va rencontrer la sœur devenue ado, son chien devenu humain et d'autres membres de sa famille. Autant de rencontres qui vont constituer des étapes dans le récit, des étapes surtout dans la maturité de Kun (et de ses parents). Dans sa compréhension du monde qui l'entoure. C'est là que l'intelligence du film de Hosoda se fait la plus flagrante. S'inscrire dans une lignée généalogique, prendre conscience des qualités et défauts des membres de sa famille, apprendre avec eux la persévérance, apprendre surtout à faire des choses en commun, se sentir faire partie d'une famille (y compris avec les membres qui ont disparu et que l'on a jamais connu). Autant de phases indispensables dans la construction d'une personnalité. Et c'est tout ce processus complexe que montre Hosoda dans ce film qui tient à la fois de la chronique familiale tendre et de la fable.
Comme d'habitude avec ce cinéaste, le film possède des qualités visuelles extraordinaires, une très grande finesse dans les dessins, les couleurs pastel et l'animation. Avec Miraï, Hosoda nous donne un film tendre et émouvant, sensible et intelligent qui, sous certains aspects, me fait penser au Ponyo de Miyazaki dans cette façon subtile de parler de l’enfance sans tomber dans la niaiserie. Cela paraît simpliste, mais je suis convaincu qu’il n’y a rien de plus difficile que d’être simple.