Damian Szifron... Cela disait bien quelque chose au masqué. Jusqu'à ce qu'il réalise qu'effectivement, il avait bien aimé son Les Nouveaux Sauvages qui, mine de rien, date déjà de 2014.
Neuf années pour, a priori, américaniser son cinéma et investir l'une de ses marottes : la traque d'un serial killer, les ténèbres qu'il trimballe derrière lui et le miroir qu'il tend à son chasseur. Bien sûr, Misanthrope fera de l'oeil au Silence des Agneaux en plus d'une occasion et passera au shaker Clarice Starling, Will Graham et leur relation avec Jack Crawford.
Tandis que le point de vue extérieur au FBI de Shailene Woodley, ici plutôt inspirée, rappellera aussi celui d'Emily Blunt sur la guerre contre les cartels dépeinte dans Sicario.
Rien de neuf donc, à première vue.
Sauf que Misanthrope, s'il évolue en terrain connu, le fait avec une maîtrise formelle et tonale de chaque instant, à l'image des premiers instants de son enquête, comme prise sur le vif dans un enfer gris urbain pourtant illuminé des feux d'artifice du nouvel an, pour mieux lever la tête afin de suivre les lasers verts pointant un appartement en hauteur.
Ce n'est que le prélude à une atmosphère dépressive qui ne cessera de gagner l'ensemble du film, via les démons animant une nouvelle venue recrutée comme officier de liaison, ou encore l'aspect morne d'un quotidien répétitif, mais aussi via la pourriture du système auquel les enquêteurs se confrontent et se heurtent finalement.
Ainsi, les erreurs de jugement côtoient une certaine impuissance, qui culmine lors d'une fusillade punitive dans une zone commerciale ressentie comme tout aussi interminable qu'inéluctable, exécutée par un tueur qui aurait pu finalement avoir eu sa place dans la galerie de portraits animant Les Nouveaux Sauvages si le film avait été moins drôle et grinçant.
Aucune glamourisation donc, que ce soit du côté des enquêteurs, dont la braise de l'héroïsme décline peu à peu, ou du tueur traqué, qui n'a rien de la folie artistique et raffinée de certains de ses compères cinématographiques.
Et si la conclusion de l'entreprise en décevra sans doute beaucoup, elle résonnera des maux d'une société US moderne en déliquescence. Un constat qui reviendra visiter les abattoirs de Massacre à la Tronçonneuse, rappelant amèrement que notre monde fabrique toujours ses propres monstres...
Et qu'il continue, malgré tout, à s'en étonner.
Behind_the_Mask, don't shot me now.