Parmi les œuvres standard du répertoire Cavalier, se profile cette adaptation de The Score de Richard Stark, avec le "Constantinople" du cinéma français, le dénommé Michel Constantin. Ce film de casse ambitieux convoque les codes du noir américain tout en les enracinant dans un imaginaire hexagonal des Trente Glorieuses.
En transposant l’action dans les recoins déserts de Mantes-la-Jolie, transformée en ville fantôme pour l’occasion, Cavalier joue d’une mise en scène à la fois épurée et tendue. Le décor respire un minimalisme qui évoque les polars américains d’un Don Siegel. Le scénario, à la fois limpide et nerveux, distille une efficacité rare, et la mise en scène, sous des apparences américaines, exhale une saveur locale.
Sourcils velus et charisme taciturne, Constantinople, quant à lui, impose sa présence longiligne dans les espaces que lui confère Cavalier, sans que celui-ci parvienne à lui faire habiter les lieux comme l’aurait fait un Melville avec son Delon national.
C’est plutôt Daniel Ivernel, dans le rôle du cerveau fébrile et progressivement fissuré, qui capte l’attention. Son jeu, oscillant entre contrôle anxieux et effondrement nerveux, insuffle une humanité fragile à ce stratège dépassé. Son échec final, inévitable et presque attendu, vient sceller le ton fataliste du récit – une tonalité inscrite dans les gènes du genre, faut-il dire !
La fin divise les survivants : deux hommes s’en tirent tandis que les deux autres se font prendre, incapables de respecter la morale consistant à dire que l'on ne peut pas porter le magot sur son dos quand on a les flics aux culs.
En somme, Cavalier signe ici une œuvre solide et maîtrisée, un pont fragile entre la tradition du noir américain et l’esprit artisanal français. Si l’on peut regretter une certaine retenue qui l’empêche de rivaliser pleinement avec un Melville ou un Verneuil, son cinéma n’en demeure pas moins un éloge sincère des marges, habité par une ambition discrète mais palpable.