Le cinéma abstrait et expérimental a toujours la spécificité d'intimider autant qu'il fascine. Le terme "expérimental" a longtemps été galvaudé pour décrire des choses bien concrètes, ayant une définition et une caractéristique propre et connu (donc n'expérimentant pas), et rendant le terme aussi creux que l'esprit de ceux qui l'utilisent à outrance. Mais il n'empêche que l'on peut trouver des œuvres véritablement complexes et fascinantes, adoptant leurs propres langages, et offrant la possibilité au spectateur de (peu être) voir le cinéma de demain. Pour les plus connus, on peut citer Final Cut: Ladies and Gentlemen de György Pálfi, dans une logique narrative plus traditionnel, ou encore le travail de Michel Hazanavicius et Dominique Mézerette chez Canal+ avec Eine große fünf (aussi appelé L'inspecteur Derrick contre Superman) et Le Grand détournement : La Classe Américaine qui ont tous deux énormément influencé toute la culture de la YTP et de la parodie sur internet entre 2008 et 2013. Pour les plus récents, du côté du court métrage et du moyen métrage d'animation, mis à part Zeria d'Harry Cleven et The Worm du collectif Dont Walk Home Alone After Dark (DWHAAD) de manière beaucoup plus involontaire (c'est surtout le format et le contexte qui ont poussé indirectement les artistes à économiser sur l'animation, au point qu'on pourrait se demander si le résultat final ne serait pas une expérimentation entre l'animation et la lecture audio illustrée), rares sont les créations en expérimentation qui quittent les festivals. L'une des dernières créations vraiment marquant reste la saga Bubbleman Superstar d'Alban Gily avec Bubbleman Superstar - Mission : Mouche à Merde et Bubbleman Superstar Mission El Cobra (dont j'ai très hâte de découvrir dès qu'il sortira, en espérant qu'il soit aussi audacieux que son prédécesseur)... si l'on accepter que cela peut en être une. Car oui, l'expérimentation est avant tout subjective (sous fond d'un peu d'objectivité historique), qui a bien eu une heure de gloire durant les débuts du cinéma d'animation, mais qui aujourd'hui, à une période aussi prolifique techniquement, ne veut plus vraiment dire grand chose. C'est ainsi qu'on aborde Misérable Miracle, en compétition au Festival d'Annecy et en sélection pour le Césars du meilleur court métrage d'animation au côté d’œuvres solides comme Beurk ! de Loïs Espuche, Gigi de Cynthia Calvi, Papillon de Florence Miailhe, ou encore Maurice's Bar de Tzor Edery et Tom Prezman.
Il faut reconnaitre que le film sait entretenir une certaine ambiance, et une forme de poésie méditative où, en apparence, on a besoin de rien d'autre que de la voix de Denis Lavant et de ce texte à l'encre qui prend forme et évolue selon le jeu d'acteur. Le soucis étant que le poème a beau avoir de plutôt beau passages, l'acteur avoir un talent indéniable (qui n'était plus à prouvé depuis Holy Motors de Leos Carax), le rythme et le ton est constamment monotone et morne, à peine plus engageant qu'un épisode de Maigret interprété par Bruno Crémer. Le tout n'est pas aidé par la mise en scène et le dispositif en lui même qui n'est ni révolutionnaire ni captivant, comparable à une Pub Malongo. Malgré tout, il y a quelques rares instants qui peuvent être intéressant, dans le mouvement du texte vis-à-vis du discours de Denis Lavant qui est plastiquement intéressant, dommage que cela n'aide pas à nous intéresser au texte qui est dit.
Dans une certaine marge, le film me rappelle Scale de Joseph Pierce qui traitait lui aussi de l'addiction à la drogue et qui avait une certaine tendance aux tournure de phrases alambiqués, et à la volonté d'emmener le spectateur dans une expérience sensoriel plus que narrative. Le film n'ayant pas de réel forme, ni même de personnage (mis à part le narrateur), l'expérience est plus efficace et on peut se laisser emporté dans les divagations du réalisateur... dommage que je n'ai pas été plus emporté.
9,25/20
N’hésitez pas à partager votre avis et le défendre, qu'il soit objectif ou non. De mon côté, je le respecterai s'il est en désaccord avec le miens, mais je le respecterai encore plus si vous, de votre côté, vous respectez mon avis.