Le kit queer conçu dans les roulottes de l'ombre

Loin d'être bouleversant ou original, c'est prenant et séduisant grâce aux personnages ; un feel-good-movie ! Des détails concernant ces personnes atypiques, mais on reste dans l'emphase et à l'écart du démonstratif – plus près à la fois d'une sensibilité individuelle et des lieux communs (la prostitution en tête). Ça fonctionne grâce à un narratif et des enjeux assez génériques, relatifs à la volonté de 's'en sortir' et à l'exclusion ; on retrouve les attitudes générales de la meute ou de certaines sortes d'individus par rapport à d'autres menant cavalier seul (l'exclusion des filles, les soutiens faibles, les faux amis ou ennemis, la dureté malvenue et les bonnes intentions peu lisibles – spécialement celles de cette dame patronnesse en manque de légitimité morale). C'est la version queer du déjà vieux récit de tentative d'émancipation, comme il en existe beaucoup avec le sport, des prolétaires ou enfants battus (Billy Elliott, Blessures secrètes) ; de la banalisation qui devrait davantage crisper que Tomboy tant ce film-ci est facile d'accès (peut-être davantage que Fighting Beauty), diffusable en famille au moins sur la forme (contrairement à l'austère Girl).


Forcément, la crédibilité d'une telle situation est au mieux limite. Il n'y a donc pas d'enquête ? Le film tente de liquider ce boulet de la vraisemblance avec deux moments faiblement convaincants : le clash face à la famille, la remise tardive des dossiers à la fin de l'émission. Où sont la malveillance, les dénonciations calomnieuses ou même légitimes, qui ont certainement déjà mis dans le trouble de 'réelles' miss, alors que celle-ci s'en tire ? Et si l'adoption du point de vue d'Alex rend la séance accrocheuse et efficace, on en est pas moins myopes ; c'est donc poussivement, par les dialogues ou des anecdotes tombant gratuitement, que s'obtiennent plusieurs mises à jours. Alex serait la plus suivie des candidates ! Pourtant ce phénomène ne changera jamais la donne ni ne sera visible – seulement cité. Heureusement le chemin est parsemé d'assez d'embûches, éventuellement savoureuses et jamais surprenantes. Puis surtout on évite le simple triomphe lors du concours, avec une parade terriblement relativiste mais qui rend le conte de fées moins immédiatement gênant et 'démagogue' (et devrait réjouir ceux qui espérait le trollage d'une institution jugée stigmatisante, ridicule ou désuète). L'opération touche alors sa limite : ce cri du cœur et cette affirmation n'ont finalement que leur caractère extraordinaire pour justifier de prendre en otage toute une organisation et les émulations des concurrentes – quand bien même on jugerait tout ce manège pathétique. C'est à la fois candide, rebelle et spectaculaire ; ce n'est sûrement pas noble.


Le film fonctionne donc essentiellement sur son capital sympathie – si vous ne voulez rien passer à cette probable propagande LGBTQ+ (parce que c'en est une ou car elle a donc une mission à honorer), vous resterez froid car peu sensible au seul cas Alex. Il faut plutôt n'en rien attendre et/ou apprécier ces focus sur un personnage allant au bout de lui-même en dépit d'un grand décalage (ce que sont, dans deux registres autrement violents, Rambo Last Blood et Jumbo). Alors on peut apprécier le ton léger et déterminé de ce film, souvent drôle malgré sa sensiblerie fondamentale, avec même un peu de férocité. Les deux soutiens plus adultes et endurcis apportent le meilleur : Isabelle Nanty, une des deux femmes 'de pouvoir' contradictoires à l'égard d'Alex ; et De Montalembert, le riche abject dans L'effondrement, aujourd'hui la mascotte (à la fois réjouissante et accablante). Son personnage un peu crétin sait faire preuve de lucidité et booste la tragi-comédie (il a « commencé à 80 et aujourd'hui vaut 13 euros »). Enfin comme d'habitude avec ces productions il faut une cruche chargée abusivement : la n°4 d'Ile-de-France (il doit y avoir beaucoup de jalouses et de fanées amères pour que ce misérable trope persiste). Dans ce cas comme dans celui de Podium tourné par Yann Moix, il y a probablement la volonté de souligner sa distinction par rapport à l'univers vulgaire (quoique charmant) dans lequel on s'invite.


https://zogarok.wordpress.com/2020/11/25/miss/

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le 25 nov. 2020

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