L’intelligence de Miss Congeniality est de se saisir d’un personnage en dehors des canons de la féminité pour, par le biais d’une infiltration policière, en faire une ingénue cynique qui va peu à peu suspendre son jugement et découvrir le droit à la beauté physique, brisant l’adage selon lequel seul compte ce que l’on est à l’intérieur. L’univers de la mode apparaît telle une industrie que nourrissent des corps interchangeables, que dénonce le personnage de Gracie Hart tout en y substituant une autre forme de féminité, sportive et indépendante ; cette évolution se réalise au moyen de heurts, de désobéissances mais aussi d’amitiés sincères nouées avec des femmes dont la personnalité est broyée par le conformisme d’une série de poses.
Le long métrage de Donald Petrie adopte donc un discours médian vis-à-vis de ces concours de beauté : s’ils diffusent une image standardisée et érotisée de la femme qui fait d’elle un objet à regarder, ils contribuent à l’instauration de canons esthétiques par rapport auxquels elle se situe. Sa démarche burlesque annonce celle d’un Paul Feig dans Bridesmaid (2011) : raccorder la noblesse et l’éclat d’institutions prestigieuses – le concours de miss, le mariage religieux – à la trivialité et à la vulgarité des êtres qui les composent. Nous avons ici les pizzas grasses apportées aux miss rachitiques, là un déjeuner mexicain qui tache le blanc des robes et du magasin.
L’évolution du personnage principal s’avère significative en ce qu’il s’enrichit du milieu investi sans renier ni sa personnalité, ni sa gaucherie, ni son rire porcin. En réaction, les caricatures avec lesquelles Gracie Hart interagit se dotent d’une humanité réjouissante, notamment le styliste désabusé que campe un Michael Caine parfait. Une comédie réussie et très drôle, portée par la talentueuse Sandra Bullock.