J'étais particulièrement confiant en ce film. Je savais que si j'allais le voir, je n'en dirais pratiquement que du bien. Je sais que c'est facile sachant qu'il suffit de regarder la bande annonce et tous les films que j'ai vus et classés ont eu ce traitement (sauf le Serpent Au Mille Coupures qui a été la douche froide). Et celui-là en fait parti. D'une part parce qu'il y a Jessica Chastain au casting dans son rôle de femme à poigne (oui, vous savez le même rôle qu'elle a eu dans Crimson Peak) et le réalisateur John Madden à qui l'on doit le remake de Hav-Hov : l'Affaire Rachel Singer qui était très bien mais bon. Sauf que le film avait le spectre Europacorp derrière. Bref, j'étais à 2 doigt de titrer ma critique "Navet d'Europacorp n°...". Et finalement, force est de constater que le film a tenu toutes ses promesses.
Une réalisation avec des idées ponctuelles
James Madden reprend à peu de choses près le même style que l'Affaire Rachel Singer. On a une réalisation classique avec un film qui se déroule sous forme de flash-back. Cela pourrait être stérile et inutile, mais au contraire, cela renforce l'histoire. Le film a quand même quelques idées de mise en scènes avec des choix de couleurs et de cadres inspirés.
Par rapport aux couleurs, le plus frappant est celui de Miss Sloane qui est en général vêtue de noir et sauf à la fin où elle a les mêmes couleurs que Esme
C'est même bien plus inspiré que ses précédents films. Il y a quelques plans d'ensembles vraiment intelligents par moments. Le montage est aussi assez fluide et les transitions se font naturellement. Même le filtre qui bien qu'elle est grise en générale va avec l'ambiance du film. Mais sa grande force sont ses personnages tous aussi bien écrits, malgré quelques absents.
La Reine des Glaces contemporaines
Madeline Elizabeth « Liz » Sloane (Jessica Chastain) est l'archétype même du personnage froid qu'on aime détester. Elle est charismatique, prête à tout, déterminée, autoritaire et d'une froideur incroyable. Une véritable armoire à glace, mais une armoire qui possède des fissures. Le fait de gagner est une véritable obsession pour elle, au point de se mettre progressivement ses plus proches alliers à dos.
Rodolfo Schmidt (Mark Strong) est son supérieur hiérarchique. Il possède l'autorité mais on le voit qu'il est dépassé par le déterminisme de Liz. Néanmoins, il sait qu'elle est capable d'aller trop loin mais ses avertissements restent sans réponses, du moment qu'elle possède des résultats. C'est un responsable très paternaliste et qui pense plus à l'objectif de sa mission mais dans les bonnes proportions, même s'il a des doutes sur le comportement de Liz et le fait qu'elle va trop loin.
Esme Manucharian (Gugu Mbatha-Raw) est la nouvelle assistante de Liz avec laquelle elle a des liens très proche. Cependant, elle va bien malgré elle s'exposer au grand public et se faire manipuler par Liz. C'est un personnage assez solaire dans le film mais il est dommage qu'elle ne soit pas plus un "Joseph Robbertson" face à une "Jameson" (les fans de Spider-Man comprendront) et qu'il y a une rupture toute nette entre elle. Cela dit, ça va avec le personnage et le propos du film
Pat Connors (Michael Stuhlbarg, un acteur que je vois de plus en plus...) est le lobbyiste qui travaille pour l'ancienne société de Liz. Il est aussi opiniâtre qu'elle quoique moins psychorigide. Tout comme les autres membres de l'autre société, il traque la moindre faille de Liz dans ses affaires.
Jane Molloy (Alison Pill, la femme de Josh Brolin dans Ave César !) est l'ancienne assistante qui a décidé de la laisser tomber afin de poursuivre sa carrière de lobbyiste loin d'elle et sa rivale. Aussi opiniâtre qu'elle et je ne vous gâcherai pas son final.
Forde (Jake Lacy) est son escort. Il ne sert qu'à ça mais au final il est la personne la plus proche de son entourage
Ron M. Sperling (John Lithgow) est le membre du Congret qui juge Liz pour ses malversations et spoiler est corrompu
George Dupont (Sam Waterston de New York : Police Judiciaire) est l'ancien patron de Miss Sloane et motivé pour la faire tomber. Lui aussi il milite afin de contrer la loi mais face aux attaques de Miss Sloane, fait en sorte que la concurrence devient plus personnelle.
Les autres personnages sont anecdotiques car ils constituent presque un esprit de ruche pour Liz, mais aussi une occasion manquée; en effet, l'une d'entre - elle Clara (Meghann Fahy) qui semble montrer des signes d'indépendances, mais qu'au final n'en fait rien. Et c'est dommage.
La loi n'est plus la loi
Le film est une vaste compétition au sujet de la promulgation d'une loi (dont je ne m'en rappelle plus du nom) qui devait interdire le port d'arme à feu pour les civils. C'est le premier film que je vois qui parle de lobbying (je n'ai pas vu Thank You for Smoking avec Aaron Eckhart) et qui montre le combat et la rivalité des sociétés de lobbying afin d'influencer les sénateurs à soutenir cette loi. Un film où tous les coups sont permis. Mais à travers ce film en exploite le thème de la rage de vaincre. Liz est totalement dévorée par l'envie de gagner au point de devenir une personne solitaire , vraiment froide et calculatrice. Néanmoins elle est parfaitement consciente de son état et on sent qu'elle se déteste elle -même. On a donc une spirale presque autodestructrice qui va conduire à son procès. Mais le twist final vaut vraiment le détour. Cependant, il est dommage qu'on explore pas plus sa psyché ni l'élément déclencheur de cet état de fait
Tout comme on ne sait pas ce qu'elle prend toutes les secondes afin de garder le contrôle
Néanmoins, on sent à divers moment qu'elle est capable de perdre son sang-froid. Cependant, au vu du twist, j'ai quand même des doutes. Enfin, j'ai quand même des réserves sur le plan final. En effet je commence à trop souvent voir ce genre de plan où on voit le personnage limite partir sous le soleil couchant tel un héro. Je trouve que ce plan devient de plus en plus cliché et est dans la plupart des cas en trop.
Où est le public ?
Bref, je trouve ce film mieux maîtrisé que l'Affaire Rachel Singer et très intéressant; un drame humain sur le domaine du lobbying et sur les limites qu'on peut ou pas se fixer. Du coup il y a une chose que je ne comprends pas. Le film est plutôt bien accepté, les critiques sont positives, le public suit bien, 75% au Rotten Tomatoes (dont 62% pour le vote de public) et pourtant, le film s'est planté. Il a eu une sortie limité Outre Atlantique , 75e pire démarrage au box office et pire résultat du film au box office depuis 35 ans (!!!). Visiblement à cause du sujet trop sensible. Apparemment il n'y a pas que Promouvoir qui est néfaste pour le cinéma.