Au milieu des gunfights, des affrontements à celui qui aura le meilleur super-pouvoir, et des catastrophes apocalyptiques, ça fait plaisir de voir la grosse machinerie hollywodienne revenir un peu sur Terre de temps en temps. Et c’est là que Miss Sloane intervient.
Ne cherchez pas le biopic où il ne se trouve pas : les personnages dont le film parle sont tous fictifs. En revanche, il s’agit bien d’évoquer la réalité et de se plonger dans l’univers impitoyable de la politique américaine. Pour ce faire, Miss Sloane nous fait découvrir le personnage d’Elizabeth Sloane, lobbyiste à la poigne de fer, déterminée comme personne, exécrable mais surtout extrêmement ambitieuse. Sur la forme, le film ne propose rien de très exceptionnel, reprenant les codes de nombreuses productions hollywoodiennes actuelles comme Spotlight, pour citer un exemple récent. La narration est linéaire dans son ensemble, partant souvent d’un point d’origine, pour nous faire revenir à la source, progresser jusqu’au point de départ et ainsi nous amener au dénouement final.
Le fait ici de mettre en scène un personnage ayant pour objectif de pointer du doigt les dérives des institutions en place, envers et contre tous, rappelle vaguement les Mr Smith au Sénat (1939) et L’Extravagant Mr Deeds (1936) de Frank Capra. Bien que le personnage d’Elizabeth Sloane, très antipathique, contraste avec la bonhommie des héros des deux films de Capra, ils convergent dans cette volonté de montrer la capacité de résister à un système puissant noyé dans la turpitude. Et malgré son caractère trempé et impétueux, Elizabeth Sloane, superbement campée par Jessica Chastain, nous fait rallier sa cause à coups de stratégies machiavéliques qui forcent tout de même le respect.
Mais, dans un sens plus général, plus qu’un film manichéen opposant une nouvelle fois de vieux hommes d’affaires et politiciens à des lobbyistes intègres, il propose un regard sur les relations humaines et la société qui fait réfléchir. L’objectif, ici, est de créer chez le spectateur un doute quant à l’authenticité des relations liant chacun des personnages. Au-delà de chercher des relations gagnant-gagnant ou tout simplement cordiales, celles-ci ne sont-elles pas toutes motivées par un intérêt quelconque ? Le machiavélisme ostentatoire d’Elizabeth Sloane n’est-il finalement pas un miroir aux alouettes cachant celui qui motive les actes de tous les autres personnages ?
Bien que très classique dans son ensemble, Miss Sloane figure parmi les belles surprises de ce début d’année. Raconté sous la forme d’un biopic, Miss Sloane s’apparente davantage à un drame social, certes pas impeccable, mais suffisamment bien construire pour nourrir d’intelligence son discours. Très « explosif », avec un dénouement en feu d’artifice, ce film reste à l’image des grosses productions américaines et en met plein les yeux, mais cela ne parvient pas à trop desservir son propos, heureusement !