L‘oeuvre de De Palma a toujours oscillé entre le brillant et le trivial. Avec Mission to Mars, le cinéaste s’essaie à la SF, un genre loin des thrillers sulfureux et un brin putassiers ayant fait sa réputation. Il signe alors l’une de ses plus mauvaises réalisations, reconnue comme le pire de ses films exposés au grand-public (on exclue donc Mafia Salad, Home Movies, etc) aux côtés de Femme Fatale, qui sera l’opus suivant. Même les adeptes de l’auteur de Carrie reconnaissent généralement qu’il s’agit d’un raté ou d’un navet/nanar ; pour d’autres, c’est quand même un aimable divertissement, un Leviathan classe et dans l’espace, en somme.

Cette approche est fondée, car en tant que divertissement, y compris pour de mauvaises raisons (voir des motifs assassins), Mission to Mars est opérationnel. Oui mais au bout d’un moment, on rit. Fondé sur un scénario rachitique (mal) alambiqué à l’excès pour compenser, le spectacle aligne d’assommants moments de solitude, des bavardages à la naïveté effarante (pas davantage que dans Gravity, remarquez) et surtout une mièvrerie difficile à concevoir de la part d’un auteur aussi enclin au scandaleux voir au trash. Après son brillant Snake Eyes où l’exercice de manipulation formelle lui étant cher trouvait un degré d’accomplissement éblouissant, De Palma s’enquiert d’une promenade das l’Espace indigne de son génie.

Outre la focalisation sur les histoires insipides et les sentiments en carton des personnages, l’apothéose est atteinte lorsque le drapeau US est planté sur Mars. On sent alors De Palma totalement blasé, s’amusant mais démissionnant en même temps. L’intérêt du spectacle est aussi dans cette configuration étrange, un peu perverse ; De Palma semble jouer de la condition de Mission to Mars, entre le navet lyrique et le nanar expérimental. En assurant le service minimum, il place la barre relativement haut dans l’exécution en rendant sympathique ce qui n’est fondamentalement qu’une bagatelle ridicule, qui aurait valu Perdus dans l’espace avec un autre.

Il faut voir la scène d’exposition, d’une remarquable intelligence cinégénique, mais au service d’une banalité de chaque instant. De Palma digère un pitsch minable comme s’il avait un embryon de sujet à la hauteur d’un Leone. Présentant la dernière journée sur Terre des futurs spationautes [et leur petite vie d'ici-bas, les enfants qui pleurent, les femmes qui rient...], il expédie en dix minutes une foule d’information et de données contextuelles lourdingues en une synthèse efficace. Compte tenu de l’inventivité graphique exprimée ponctuellement par la suite (le ‘visage’, gimmick plein de mystère), De Palma paraît tenté par le sérieux et l’ambition d’approcher malgré tout une certaine grâce, d’approcher le grand film.

D’ailleurs à partir du débarquement sur Mars, la mécanique se réinvente pour partir dans un délire audacieux, proche du ridicule mais accrocheur. À défaut de toucher la grâce, le film gonfle encore son charme improbable avec son mysticisme cheap lorgnant lourdement sur Abyss. Au moins, De Palma marque un point par rapport à Tarkovski, assumant la nature de son cheminement : une pure farce. Quoiqu’il en soit, avec son psychédélisme du pauvre, ses essais contemplatifs de Hardware sorti du Z et ses fumisteries repompées, Mission to Mars est un peu le 2001 de l’abruti. Et aussi une partie de plaisir, déchirée entre l’infiniment risible et un panache exemplaire.

http://zogarok.wordpress.com/2014/10/26/mission-to-mars/
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Zogarok

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