Ou comment un réalisateur mal barré en début de carrière et se caricaturant sous les traits d'un cochon a réussi à réveiller la conscience écologique de toute une génération, au moins, en affûtant ses ressources narratives et en observant attentivement le monde autour de lui. Ca n'est pas le premier documentaire sur Miyazaki que je vois, mais celui-ci a la vertu de reconstituer l'évolution intime du maître et d'en analyser l'impact sur les fictions sortant de son studio. Tout n'a pas été un long fleuve tranquille dans son histoire, loin de là, et l'homme, qui enquille clope sur clope, n'a rien d'un contemplatif placide. C'est pour cela que son œuvre ratisse si large : elle fait écho aux troubles qui ont agité cet esprit inquiet, et qui résonnent avec nos propres préoccupations d'espèce. Comment concilier une vision poétique de la nature et un profond pessimisme écologique ? Ce diable de dessinateur y parvient parfaitement et marche sur un fil qui tient de la magie pure. La deuxième réussite de ce documentaire, c'est de mêler les plus belles images des animations Ghibli et des plans du Japon contemporain qui n'ont rien à leur envier. Ces échanges permanents entre le réel et la fiction donnent une force folle au propos du réalisateur, qui sait en outre excaver des images d'archives éloquentes et des témoins de première main pour commenter l'évolution de la pensée de Miyazaki à travers les époques. Une somme passionnante et belle, donc, qui donne envie de revoir les longs métrages du studio Ghibli en urgence.