Entreprendre de réaliser un road-movie en pariant sur l'incapacité pour divers motifs des deux protagonistes, Julien et Simon, à partir est déjà en soi une belle idée, dont on attendrait logiquement qu'elle débouchât sur une comédie légère. Il n'en est rien ou, plus exactement, le ton initialement léger qui prévaut aux échanges des deux potes immatures et losers fait de plus en plus place à une certaine gravité que les désillusions et les déconvenues ajoutées aux questions métaphysiques sur le sens de la vie ne manquent pas au final de révéler, même si par ailleurs on sentait bien que les fêlures plus ou moins secrètes existaient de manière latente chez le duo. A ce petit jeu, c'est Julien qui porte le plus lourd tribut : mère morte et père malade dont il s'occupe avec une affection maladroite et touchante, le garçon rêveur et empêtré dans ses mots et sa difficulté à communiquer (notamment avec le sexe opposé) est volontiers sous l'emprise de Simon, musicien raté, incapable d'engagement tant amoureux que professionnel. Le départ est dès lors envisagé comme une fuite, mais, bien que celle-ci échoue rapidement dans le voisinage immédiat, elle n'en est pas moins réelle et amène les deux antihéros à se confronter à leur situation et leur projet. Tout ceci, au cœur de paysages champêtres, n'est jamais pathétique ni appuyé, porté par le jeu subtil et retenu des deux comédiens : le toujours étonnant Guillaume Gouix et le nouveau venu Arthur Dupont. Le film montre parfaitement en quoi il n'est pas évident de partir en tournant le dos à l'existant, fût-il aussi peu attrayant et prometteur que celui des deux adolescents attardés et déboussolés. Et qu'au-delà, les motivations réelles peuvent être différentes. On voit aussi comment le refus de la norme, qui permet de jouer un temps les rebelles, est lourd à assumer dès lors qu'il faut se confronter aux autres (famille, anciens copains d'école). François Pirot, scénariste également pour Joachim Lafosse, signe une première œuvre qui ne se contente pas de surfer sur un phénomène de société tant justement elle n'enferme pas les protagonistes dans la caricature, préférant à l'inverse développer leur complexité et leurs contradictions. Beaucoup de justesse et de subtilité en définitive dans ce double portrait sympathique et touchant.
PatrickBraganti
9
Écrit par

Créée

le 30 août 2012

Critique lue 803 fois

9 j'aime

Critique lue 803 fois

9

D'autres avis sur Mobile Home

Mobile Home
TheMyopist
7

Mobile Life

Guitares folles. Paysages ruraux et colorés sous un soleil doux et lumineux. Un gars qui prend son pied sur son vélo. Voici comment "Mobile Home" s'ouvre : d'une manière légère, décontractée et...

le 10 févr. 2013

5 j'aime

1

Mobile Home
Fatpooper
6

A quelques bornes de la liberté

Y a pas à dire, nous sommes un jeune génération de glandeurs, le plus souvent couvés par papa et maman (quand ils ont les moyens, bien sûr) qui nous paient un appart pour nos études et ont encore la...

le 16 sept. 2012

4 j'aime

Mobile Home
Pom_Pom_Galli
6

Critique de Mobile Home par Pom_Pom_Galli

Un petit film sympatoche qui pourrait se définir comme étant un anti-intothewild. L'idée d'un road-movie qui fait du sur place est original, mais le film ne se démarque ni par ses dialogues, ni par...

le 26 nov. 2013

2 j'aime

Du même critique

Jeune & Jolie
PatrickBraganti
2

La putain et sa maman

Avec son nouveau film, François Ozon renoue avec sa mauvaise habitude de regarder ses personnages comme un entomologiste avec froideur et distance. On a peine à croire que cette adolescente de 17...

le 23 août 2013

91 j'aime

29

Pas son genre
PatrickBraganti
9

Le philosophe dans le salon

On n’attendait pas le belge Lucas Belvaux, artiste engagé réalisateur de films âpres ancrés dans la réalité sociale, dans une comédie romantique, comme un ‘feel good movie ‘ entre un professeur de...

le 1 mai 2014

44 j'aime

5