Suicidaire mais pas mal !
Welcome back John FromtheGarden !
Après une tournée de cérémonies prestigieuses achevée par la récompense suprême aux Oscars pour son rôle dans The Artist, Jean Dujardin nous revient des Etats-Unis (Les Infidèles ayant été tournées avant la saison des cérémonies) dans le premier film post-oscar et tente de renouer avec un cinéma plus mature, à l'inverse de ses rôles comiques qu'on lui connaît (la carte de visite Brice de Nice/Chouchou/OSS 117). L'Oscar du Meilleur Acteur lui permet de se lancer dans un projet de son choix. En l’occurrence celui d'Eric Rochant, cinéaste peu reconnu, ayant subi de monumentales échecs (Les Patriotes, L'Ecole pour tous), mais qui aujourd'hui a vu sa côte remontée après une estime désormais plus positive des Patriotes. Il nous revient ainsi à son amour de l'espionnage, du milieu des renseignements et des services secrets.
Et il faut dire que là le Monsieur, il nous propose un gros morceau. Un synopsis, un trailer, un casting et une bande-annonce à faire pâlir les productions américaines. En effet, ça sent le thriller bien anglophone tout ça. Est-ce que la production française veut conquérir le marché américain ? Eric Rochant ne propose rien de moins que trois têtes d'affiches : Le tout juste oscarisé Jean Dujardin, la césarisée Cécile de France et Tim "Monsieur Orange" Roth. Rien de moins que l''une des productions les plus aguicheuses du cinéma français sur un genre mature auquel il ne s'attarde jamais réellement ou très mal (Espion(s), Secret Defense, Agents secrets).
Pour faire simple, ce qui sera retenu de ce film : C'est le charme incroyable qui s'en dégage. C'est bien simple, Jean Dujardin n'a jamais autant dégagé de prestance et de charisme. Il s'est entraîné physiquement pour ce film et ça se voit. L'allure de cet espion russe vaut le détour et il en impose carrément. A partir de là, la relation avec Alice (C. de France) est plus logique, mieux amené, plus crédible. Elle tombe sous le charme d'un homme mystérieux, élégant et sûr de lui. Il faut dire que malgré quelques séquences lourdes sur leur totale fusion, on tient là l'une des relations les plus charnelles du cinéma français de ces dernières années. D'après certaines critiques et commentaires, la relation sexuelle est jugé "ridicule, longue et ennuyante" . A l'inverse elle semble exprimer énormément de chose sur la relation qui les unit. On sent que ce qui les tient, c'est autre chose que le sexe, ce à quoi il semblait être au départ. C'est fusionnel, c'est risqué mais c'est prenant. On rentre dans leur jeu, on se met à espérer pour eux, si assurés de s'en sortir mais finalement pris au piège en quelques secondes.
Car au-delà de cette histoire d'amour, il y a un enjeu diplomatique et financier important. Trois pays sont sur l'affaire: La Russie, la France donc et les Etats-Unis. Ce dernier étant représenté très grossièrement (M'enfoutisme, prétention, leadership ...). Sous une intrigue faussement complexe, finalement il y a une histoire plutôt simple pour qui reste concentré du début jusqu'à la fin du long-métrage. Le problème, c'est que Möbius avait tellement d'éléments pour être plus qu'un "autre bon film". L'intérêt de ce genre cinématographique, c'est de captiver et de maintenir un certain suspense jusqu'à la révélation finale. Ce qui aurait pu être un twist, classique mais efficace, est dévoilé dès le début de l'intrigue et nous révèle grossièrement le final tragique qui attend nos personnages principaux. De ce fait, l'effet de surprise amoindri, les éléments de l'intrigue enlèvent ainsi tout suspense. Mais le plus détestable étant la séquence finale, véritable gâchis scénaristique qui tend à exprimer une narration facile rédigée à la va-vite et surtout invraisemblable.
Möbius est pourtant un film dont même l'esthétique visuelle se révèle élégante. Ça transpire la luxure, le milieu très intriguant des services secrets et la sensualité (ce jeu de lumière qui installe une tension érotique à chaque rencontre). Ce n'est pas original mais ça convient très bien au sujet du film. Mais si le casting est composé d'un trio de personnages justes et bien portants, d'un autre côté des seconds rôles caricaturaux freinent un peu le film et le rabaissent vers la simplicité. De ce film se dégage une impression que seules les scènes avec les trois personnages principaux sont travaillées. Pour le reste, c'est comme si une prise avait suffi pour être mise sur bobine. Le montage semble d'ailleurs mal raccordé tant ce sentiment d'inachevé se ressent à l'écran. Il est clair qu'il y a eu un florilège coupure et on passe rapidement d'un endroit à l'autre sans raccord. A vouloir en faire un film rythmé, Möbius se révèle incomplet.
Voila ce que ça donne quand le cinéma français veut rivaliser avec le thriller d'espionnage anglophone. Avec Möbius, le film est plus proche de La Taupe de Tomas Alfredson que d'un James Bond. Bavard, presque contemplatif, faussement complexe mais non dénués d'élégance, de charme et d'une relation fusionnelle palpitante, on se retrouve tout de même face à un bon film français. Imparfait de par les défauts énumérés précédemment mais suffisamment palpitant et travaillé sur le milieu tabou qu'est celui de la finance et des services secrets.
Une séquence particulière a cependant bien retenu mon attention dans Möbius, la plus rythmée : Celle de la BA, où Jean Dujardin se bat dans un ascenseur. Quelques instants avant, dans un cadre sombre mais luxueux (un ascenseur) il y a cet échange de paroles, de regards, montés en plans/contre-plans, armés d'un respect sans faille aux codes du genre, passant d'une ambiance érotique à une tension palpable en quelques instants et ça franchement, c'est d'une intensité sans pareil !