Ce mois-ci au box office, rayon films français, derrière Boule et Bill se cache Möbius, nouveau film d'espionnage d'un Éric Rochant disparu depuis 6 ans. L'art du film d'espionnage n'est pas des plus simple, et beaucoup s'y sont essayés : il s'agit de trouver le juste milieu entre action et intrigue complexe parsemée de longues tensions, comme le fait par exemple la saga des James Bond. Möbius entre dans la lignée des films plus complexes que bagarreur, emmenant le spectateur dans une affaire d'espionnage internationale où Gregory Lioubov, alias Moïse (Jean Dujardin), un espion du FSB russe, brise la règle d'or et tombe amoureux de son contact, Alice (Cécile de France). Möbius n'est pas un film parfait, mais il reste néanmoins un des meilleurs films français actuel (sauf pour les amateurs de Boule et Bill ou L'Élève Ducobu, bien entendu).
Möbius est comparé à "un film à l'américaine", eh bien bien, c'en est un : un film qui fait attention à l'endroit où il met sa caméra, qui fait attention à sa lumière, tout en étant accessible au spectateur moyen qui ne lit pas tout les soirs la collection Sigmund Freud. Au même titre que Cloclo, ou le plus récent La Traversée. Möbius est un film qui prend le pari d'être soigné, et c'est un pari réussi. Le problème, c'est que l'image est l'un des seuls atouts du film qui s'éternise dans un long récit, à l'image de sa longue musique d'ouverture.
Reprenant le même crédo que La Taupe, Éric Rochant décide de partir sur un film d'espionnage réaliste tout en gardant une intrigue digne d'un film d'espions : des traques, à tel point que les chasseurs eux-mêmes ne se sentent jamais en sécurité, de l'espionnage (eh oui, certains oublient qu'il y a de l'espionnage dans un film d'espionnage), un jeu de piste qui ne compte aucune scène d'action grandiloquente (on ne note qu'un combat, dans une cage d'ascenseur). Si Möbius est plus accessible que La Taupe, il n'en reste pas moins un film compliqué de part son scénario, mêlant trois langues (français, anglais, russe) dans une affaire internationale. Mais comme L'Espion qui m'aimait, le film n'a pas que de l'espionnage, il a aussi une romance, celle entre Gregory et Alice. Si l'on sent que certains dialogues ont était plus réfléchit pour le couple que tout le reste, cette romance ne peux pas porter le nom d'histoire d'amour tellement n'y ressemble pas. Nous l'appellerons plutôt "romantisme à la guimauve", reprenant bon nombre de clichés avec des répliques comme "T'est un cadeau", "T'as des bras concrets, des bras d'hommes" et j'en passe. Cette histoire d'amour à l'eau de rose nous fait passer du James Bond culte L'Espion qui m'aimait à sa parodie, L'Espion qui m'a tirée. Comme pour s'excuser d'une histoire d'amour niaise, le réalisateur a décidé de nous offrir des scènes très appuyées et longuement sexuelles, que l'on aimerait voir passer plus vite pour suivre l'intrigue du film.
Il est si rare de voir Dujardin dans un film sérieux qu'on en oublie que c'est un bon acteur, et dans Möbius disons le clairement : c'est le seul bon acteur. Au mieux les autres seront passables, comme Cécile de France qui certes a jouée plus mal, mais peux encore mieux faire. Son accent franchouillard rend sa nationalité américaine dénué de sens, surtout quand elle parle à son père qui lui, est joué par un vrai américain. M. Dujardin lui a appris ses dialogues russes en phonétique, et bien qu'il est dur pour nous d'imaginer l'un de nos acteurs fétiche comme étant russe, il reste crédible dans le rôle qui lui est donné. Mais plus loin que l'acteur, contre qui on ne peux tout de même pas tout reprocher, Möbius a un réel problème de dialogues, dont trop peu sonnent vrais. Alors que les têtes d'affiches sont connus, on regrette presque de n'avoir que des inconnus du côté américain, dont le seul représentant est Tim Roth, qui joue... un russe.
Éric Rochant prit une décision à contre-courant à Tarantino en appuyant plus son film sur le côté technique que celui du jeu, comme l'avait fait La Traversée en misant sur Michael Youn : un bon acteur, mais qui ne peux porter une histoire sérieuse. Dans Möbius les acteurs n'ont pas des têtes comiques, mais on sent chez eux plus de récitation que de vie. Si la première chose que l'on voit à l'écran c'est une image, il ne faut pas oublier qu'un acteur est généralement à l'intérieur.
Pierrick Boully