C'est l'histoire d'Anne, résolument mélancolique, incarnée par Jeanne Moreau. Elle évolue dans une petite ville grise, une petite ville portuaire des environs de Bordeaux :



"Dans ce pays ce n'est jamais l'été, il y a du vent"



se plaint-elle. Elle est la femme du directeur de l'usine, un homme influent localement puisqu'il emploi une grande majorité des habitants de la ville. Elle est riche, mais elle s'ennuie dans sa vie qu'elle consacre alors toute entière à l'éducation de son fils qu'elle emmène chaque vendredi à ses leçons de piano ; c'est l'occasion pour elle de sortir, hors de sa maison bourgeoise, austère, d'une beauté figée, terne, finalement à son image.
Puis un cri, un meurtre passionnel dans le café voisin et des regards, puis la rencontre, décisive. Lui c'est Chauvin, ou Jean-Paul Belmondo, un jeune homme qui travaille dans l'usine du mari de la petite bourgeoise provinciale. L'attention d'Anne se focalise immédiatement sur cet homme, qui plus qu'un coup de foudre est synonyme d'une occasion d'enfin s'autoriser à vivre quelque chose qui sorte d'un ordinaire dangereusement routinier. En effet, l'héroïne ne désire qu'une chose : vivre une passion, un moment intense, si court soit-il, avec un homme qu'elle croit aimer, mais elle n'en est pas sûre, elle n'est jamais sûre de rien. Jeanne Moreau joue à la perfection le rôle de cette petite bourgeoise névrosée qui est portée par le désir de trouver en Jean-Paul Belmondo, jeune homme prudent, l'amant qui la sauverait de son ennui.
Alors, elle lui demandera de lui raconter l'amour des autres, de l'homme qui a assassiné celle qu'il aimait dans le bar, elle écoutera avec passion ses longs monologues, qui sont des parallèles limpides avec l'histoire d'amour qu'ils désireraient vivre ensemble.
En résumé c'est un film sur l'amour désiré mais qui ne trouve ni de lieu, ni de temps, un amour comme dernière chance, comme une tentative d'échapper à une vie qui a finit par lasser. C'est un film sur une histoire qui ne débute jamais, sur l'impossibilité qu'ils ont à se laisser aller, elle, mariée, mère d'un enfant, et lui, jeune, mais peu aventureux :



"Nous n'aurons pas pu nous aimer, ça doit arriver parfois."



7 jours, non, 7 nuits, c'est le temps que mettra cette histoire d'amour à ne jamais naître. Anne cri de douleur, puis elle rejoint son mari, retourne à sa vie, à son fils, à ses leçons de piano, à ses dîners mondains, à sa grande maison, à la brume sur le port.


Peter Brook, connu pour être un grand metteur en scène de théâtre, propose ici une adaptation cinématographique du Moderato Cantabile de Marguerite Duras portée par le couple d'acteurs exceptionnel que forme Belmondo et Moreau. Intervenant sur les dialogues la romancière (qui avait vu un an plus tôt son scénario pour Hiroshima mon amour adapté au cinéma par Alain Resnais) nous offre des dialogues forcément très littéraires qui, dits par la belle voix grave inimitable de Jeanne Moreau, révèlent leur beauté d'une très grande profondeur. Ce film résonne comme "une jolie petite sonatine à 4 temps" empreinte d'une douce tristesse, c'est la résignation, le confort d'une vie rangée plutôt qu'un bonheur incertain, la peur de prendre des risques : Moderato c'est Anne et Chauvin, modérés dans leurs sentiments.



  • Le film obtiendra Le prix d'interprétation féminine du Festival de Cannes 1960

  • Roman du même nom publié en 1958, Ed. de Minuit

  • Tourné dans la ville de Blaye (33)

  • Musique : Diabelli, Anton

ConstanceFay
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le 30 mars 2019

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