Paraître ce que la société veut que vous soyez, c'est la leçon la plus évidente du film (du moins, m'a-t-il semblé).
À vrai dire, ce long métrage, à commencer par son titre qui veut dire "tapette" en afrikaans (dialecte néerlandais parlé en Afrique du Sud), me laisse perplexe.
Il se déroule en 1981, au temps de l'Apartheid. Il met en scène toute une bande de jeunes blancs qui, à seize ans, sont appelés par l'État Sud- Africain d'alors pour faire leur service militaire. Il se centre particulièrement sur un certain Nicholas van der Swart et, d'abord, sur un copain rencontré le premier jour de cet "appel sous les drapeaux" : Michael Sachs. Le film commence par décrire leur "bromance", lors des premières semaines par ailleurs caricaturales (façon Full Metal Jacket) qu'ils vivent en tant que jeunes troufions "formés à la dure" avant d'être envoyés sur la frontière Nord du pays, infiltrée par des noirs "communistes", en provenance des contrées contiguës, qu'il faut repousser ou exterminer ("parce qu'ils veulent s'emparer du pays").
Pendant les 5/6èmes du film, règne un climat, sinon de peur, du moins de grande tension et violence... exprimées par les images, la bande son, le jeu des acteurs (supposés avoir seize ans, mais en ayant sûrement une bonne vingtaine, voire plus quand on les voit nus, sous la douche). Le film doit beaucoup à la qualité de son casting, excellent dans l'ensemble (avec une mention particulière pour les acteurs jouant van der Swart et Sachs : Lai Luke Brummer et Matthew Vey), à l'exception peut-être de celui avec qui Nicholas (qui est quasiment de tous les plans du film) va nouer une relation particulière de type sentimental : Dylan Stassen que, dans l'histoire, j'ai trouvé sans grand intérêt (sans doute parce que l'acteur qui le personnifie : Ryan de Villiers n'est pas à la hauteur et manque de présence à l'écran ou peut-être... parce que, dans le film, il finit psychologiquement cassé).
En tout cas, le métrage met en évidence, s'il était besoin, l'importance d'un casting réussi. Un bon acteur transcende son rôle. Nicholas van der Swart / Brummer réussit à nous intéresser à son personnage. Ses expressions de visage, son regard, ses silences nous parlent, nous touchent, nous interrogent. Même chose (avec un physique et un jeu différents) pour Michael Sachs / Vey. L'un et l'autre rendent leurs personnages crédibles, attachants
Il faudrait parler plus en détail du fond du film et de son scénario - la forme adoptée (la photographie, les plans et les cadrages, l'utilisation de la musique) lui donnant, paradoxalement, un côté esthétique. Par manque de temps, je ne détaillerai pas tout ça.
Dans un film, ce qui m'intéresse avant tout, c'est l'histoire, la façon dont elle est racontée. Je pense vous avoir laissé entendre que celle-ci est plus complexe qu'il peut sembler de prime abord. En fait, on ne sait trop ce que le scénariste et réalisateur Oliver Hermanus veut véritablement nous dire et quelles sont les intentions de l'histoire (adaptée d'un roman autobiographique, ou présenté comme tel, d'André-Carl van der Merwe) qu'il nous raconte avec ces images belles et éprouvantes (moins quand même que celles de Voyage au bout de l'enfer).
Il y a une réflexion sur ce qu'est la virilité, sur les normes de la société, ce qu'elle veut de nous, ce qu'elle nous impose et ce qu'elle permet et ne permet pas.
On peut être frappé également par le contraste violent entre le titre (sale, dégradant) du film et tout l'aspect "extérieur" de celui-ci qui, lui, est dur, extrême, guerrier, presque héroïque.
Le final est beau, un tant soit peu ambigu, énigmatique, mais beau. On comprend que Stassen n'est pas remis des épreuves qu'il a subies en centre de "redressement", mais qu'en est-il de Nicholas ? À quoi pense-t-il, lors du tout dernier plan ? Que la vie qui s'annonce est magnifique ou... désespérante ? Que l'amour est sûrement devant lui ou... que personne ne l'aimera jamais ? Ou que, quoi qu'il lui en ait coûté, il est maintenant un homme aux yeux de la société et que, son brevet de virilité désormais en poche, il vivra comme il l'entend ?
Dépaysant, complexe, prenant, Moffie est un film qui existe et interroge. Un des bons films sortis ces derniers temps.
P. S. Le seul commentaire, à part ses "OK" et "Fine" qui sont clairement des refus d'en dire plus, que la famille de Nicholas lui arrache à son retour de l'armée et du front, c'est (à leur "You are back home" extasié) : "Yes, in one piece !" (Oui, en un seul morceau). Cela renvoie au titre de ma critique.