La droiture. Voici le mot - au sens propre comme au sens figuré - qui vient à l'esprit pour qualifier le personnage de Daniel Blake. Car il n'est pas question pour ce menuisier au chômage en lutte avec les services sociaux de baisser les bras, ni de mollir du genou. Daniel a beau avoir 59 piges et une longue vie de travail derrière lui, il n'envisage pas pour autant quelque inactivité que ce soit. Bien au contraire. Ken Loach nous le montre d'ailleurs dans un grand nombre de scènes marchant vaillamment dans la rue, grimpant des escaliers avec énergie comme s'il souhaitait insister sur une vigueur et une détermination encore intactes.
Un homme droit dans ses bottes donc, qui place au plus haut point la question de la dignité. Une dignité pragmatique, à l'optimisme chevillée au corps, qui amène notre chercheur d'emploi à accepter les aides légitimes auxquelles il a droit mais en aucun cas au prix d'une humiliation quasi programmée par la mécanique administrative.
Et le film montre justement très bien l'absurdité de ce système qui exclut la possibilité pour les gens de communiquer, de s'expliquer. Et il n'est point besoin d'être aux abois avec deux enfants ou au chômage à la soixantaine pour comprendre l'exaspération de Daniel face à ces répondeurs qui ne répondent jamais - on a tous eu affaire à eux et de plus en plus souvent - ou ces stages qui n'enrichissent que ceux qui les dispensent. Ce qui mine cet homme, ce n'est pas tant ses problèmes de cœur - il n'en manque pas - mais la déshumanisation à l’œuvre éloignant ceux qui s'en sont sortis de ceux qui sont sur la brèche. La démonstration du réalisateur britannique est de ce point de vue très efficace.
Ken Loach s'appuie sur une mise en scène fluide, sans chichis et sur une poignée de personnages "secondaires" particulièrement crédibles dont les rôles s'attachent précisément à rétablir ce qui lui semble fondamental à sauver dans une société digne de ce nom : l'entraide et la considération.
Un film généreux, très fort et non dénué d'humour.
8.5/10