J’ai pas mal hésité avant d’écrire un texte sur le dernier né du studio d’animation Illumination Entertainement. Parce qu’en temps normal, j’ai un peu mieux à faire de mon temps concernant les films et les critiques que j’écris, et secundo parce que Illumination est un studio d’animation américain que j’aime ignorer autant que possible tant je ne parviens pas à voir dans l’ensemble de leur production animée autre chose de la comédie facile à fourguer et qui sont loin de donner une bonne image du domaine de l’animation.


Mais c’est justement sur ce dernier point que j’ai changé d’avis, parce qu’Illumination est difficile à ignorer, malheureusement. La seule marque de fabrique qu’on arrive à attribuer à ce studio c’est de ne faire que de la comédie revu et sans imagination qu’ils parviennent sans mal à vendre aux enfants, en partant de l’idée qu’ils ne peuvent pas accepter mieux que ça, tout en les enfermant dans un cocon affectif qui ne les fait ni grandir, ni mûrir et qui ne leur donne rien qui vaille la peine qu’on s’en souvienne.


J’en parle aussi parce que c’est par la franchise de Moi, Moche et Méchant que ce studio s’est vraiment fait connaître. Et c’est à parti du second opus que ça a vraiment commencé à mal tourner. Le studio s’étant spécialisé dans le style visuel élastique et la comédie en abondance jusqu’à nous donner une gastro-entérite bien violente d’hystérie collective. Mais en étant incapable de raconter une histoire avec un minimum d’enjeux ou de sérieux, en témoigne le gros bousin Les Minions qui aurait mieux faite d’être un direct-to-video plutôt qu’un film cinéma et d’engranger un milliard honteux, ou Comme des bêtes complètement dénué d’âme et cliché à bien des aspects. Et je pense qu’il est temps de faire un gros constat avec ce troisième opus de Moi, Moche et Méchant, parce qu’au bout d’un moment c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.


L’un des principaux problèmes du film débute dés ses premières secondes d’ouverture : son absence totale d’enjeux. Le nouvel antagoniste Balthazar Bratt n’étant ici qu’un antagoniste bouffon dont la principale motivation est de se venger d’Hollywood pour l’avoir mise à la porte durant son âge d’or dans les 80’s à cause de sa puberté. Mais dés qu’il apparaît à l’écran et balance de la pop des années 80’s, il n’est réduit qu’à une diva capricieux à l’attitude limite hystérique et unidimensionnel voulant se venger sans qu’il n’y ait la moindre scène derrière tentant au moins de le rendre touchant ou même un tantinet mémorable.


Du coup il devient un des trop nombreux instruments comique du film, et encore c’est très loin d’être le seul puisque sa menace n’est même pas prise au sérieux par les habitants lorsqu’il passe au-dessus de la ville avec un bateau militaire transporté par des boules de chewing-gum géant et comportant un diamant faramineux. Si même la population d’un film ne prend pas un phénomène comme celui-là au sérieux, pourquoi est-ce que nous spectateurs on devrait le prendre au sérieux ?


Cette absence totale de véritable enjeux est renforcé par un deuxième problème : son manque d’histoire réel et un je m’en foutiste insultant à toutes les sous-intrigues du film. Concrètement, il y a 4 sous-intrigues à retenir : la rencontre entre Gru et son jumeau secret Dru, la fuite des Minions après le renvoi de Gru de son travail, le complot de Balthazar et Lucy qui tente de se rapprocher des enfants Agnès, Margot et Edith. On ne va pas parler de celle des Minions, d’accord ? Celle de Balthazar j’ai déjà tout dit. Mais ceux de Gru et de Lucy… ça aurait pu être bon si ces deux sous-intrigues avaient eu droit à un peu de sérieux et d’investissement de la part de l’équipe. Celle de Lucy permettrait de voir en elle plus qu’une simple épouse fan de son époux et même de créer des liens assez touchant avec les enfants adoptés (surtout que les parties les plus passables du film sont les quelques petites conversation entre Gru et Agnès), et le second aurait aussi pu être une intrigue importante pour Gru si son frangin était un peu plus consistant au lieu d’être un énième clown sur patte dont on ne retiendra que la coiffure de beau blondinet, et si le fait de savoir que sa famille est composé de grand méchant et que son frangin voulait marcher dans ses pas lui donnait envie de lui faire prendre une meilleure voie.


Mais non ! Le sérieux et la dramaturgie n’existe pas pour Illumination ! L’investissement non plus d’ailleurs puisqu’aucune des sous-intrigues ne nous mène quelque part. Lucy se rapproche de Margot en un éclair après avoir renvoyé la mère d’un jeune garçon qui voulait lui faire la leçon, les Minions reviennent finalement vers Gru sans aucune raison apparente ni impact émotionnel et Gru passe pour un bel enfoiré en utilisant la technologie de son frère pour regagner son emploi et celle de sa femme, sans le tenir informé.


Et du coup cela nous amène à la plus grosse tâche du film et surtout de tout les productions animées du studio : sa manière de faire dans le comique bas de gamme, hystérique et même non stop, et ce avec un rythme linéaire rendant le film juste fatigant à regarder. C’est pas drôle de voir Dru s’exciter pour sa première rencontre avec Gru et ses enfants, ça n’est pas drôle de voir Lucy se montrer hyper-protectrice envers les enfants en tabassant tout le monde dans un bar juste pour avoir entendu Agnès crier d’hystérie (oui ce mot revient beaucoup), ça n’est pas non plus drôle de voir Balthazar faire la danse disco pour récupérer le diamant en début de film.


Parce que Moi, Moche et Méchant 3 n’utilise jamais comme il faut les bases de l’humour : la mise en situation, l’effet de surprise, la chute, l’imagination et surtout le dosage, et ce sans parler du style visuel très plastique et étiré tout aussi mal exploité. Voilà 3 quelques exemples personnel en terme d’humour et que je conseillerais bien plus que ce film : Mary à tout prix des frères Farrelly, la série animée Nichijou des studios Kyoto Animation et Zootopie des studios d’animation Disney.



  • On peut être sur que certains reprochent aux frères Farrelly d’avoir un humour gras et pas des plus fins, je le concède. Mais pourtant tout deux ont compris que leur humour devait être dosé et qu’ils devaient donner un caractère aux personnages pour épaissir l’histoire, et aussi comment surprendre et bien rythmer l’humour. Lorsque le personnage de Pat Healy joué par Matt Dillon se rince l’œil sur Mary à la fenêtre et qu’il se repositionne le temps de quelques secondes avant de regarder à nouveau à travers ses jumelles, on s’attend à ce qu’on ait ce qu’il veut voir : mais non, surprise et chute ! Il regarde par erreur la poitrine fripée de Madga qui vit avec Mary et s’en choque. La mise en situation est là, l’effet de surprise bien amenée, c’est efficace, et dans la logique on rigole.


  • Dans la série d’animation Nichijou, on a un animé qui fait souvent dans l’excès et part souvent dans le délire le plus extravagant qui soit. Mais là encore, ça fonctionne la grosse majorité du temps : il y a une scène ou la lycéenne Mio prête son cahier de japonais à Yukko afin qu’elle rattrape ses devoirs, mais elle se rend compte qu’elle a gribouillé un dessin de manga amateur coquin la veille sur ce même cahier et fait tout pour le reprendre. La situation en soit est standard, mais ça fonctionne pour deux raisons : le rythme bien dosé et l’animation avec ses dessins en 2D simples et bon enfant qui prend des allures de courses poursuites épiques et excités dans les couloirs du lycée pour une situation à la base simple et ordinaire. C’est complètement loufoque, barré, mais ça part de quelque part et chaque épisode dose correctement ce genre de séquence en variant avec des transitions courtes et des passages plus mignons et reposant. Sans oublier que là encore, on rigole.


  • Enfin, Zootopie des studios Disney et la scène des paresseux devenue célèbre grâce à l’extrait lorsque Judy et Nick se rendent à la préfecture pour retrouver le numéro d’une plaque de voiture. Pourquoi la scène fonctionne ? Parce qu’elle est créative puisqu’elle fait écho à la lenteur du système administrative (les paresseux lent comme pas possible, au travail comme au langage et les réactions de Judy Hopps vite désespérée car elle est dans la précipitation, mais elle n'a ni le contrôle de la situation et elle en pâtit) et qu’elle dure juste ce qu’il faut pour faire rire sans être ni trop longue ni trop courte. Et là encore on rigole car c’est bien dosé, bonne durée, et surtout inventive et même intelligente.



Trois œuvres qui ont chacune comprises, avec leur propre humour, comment faire rire pour qu’on s’en souvienne et de manière saine… tout ce que n’a absolument pas Moi, Moche et Méchant 3. Il ne peut pas faire rire car il avance sur un rythme unique tout du long et qu’il devient vite une cumulation en série de sketch avec leurs gags pas drôle reposant sur l’hystérie continue donc n’ayant aucun dosage, il n’est jamais imaginative car l’animation très élastique et aux textures cartoonesque est mis au service de ce même humour pas bien varié et la mise en situation est bâclée constamment, et du coup la surprise est inexistante... donc, je le dis franchement, ça ne peut pas être vraiment drôle. J’ai dû rire à peine 2 ou 3 fois sur une heure et demi de film et pourtant je ne pourrais même pas dire quel gag tant cette avalanche et cette succession de comique finit par être envahissant et mal dosé. Ça aurait dû être une sortie en DTV comme pour Les Minions tant ça n’a rien pour lui et rien qui ne mérite d’être diffusé dans une salle obscure. Et le fait que ce film prend pour cible les enfants n'excuse pas sa démarche, une fois de plus : quelque soit le public visé par un film, on n'a pas à le prendre pour un idiot sous prétexte que le film le cible.


Et voir que ce genre de navet animé réussir à rapporter plus d’un milliard mondialement me déprime toujours un peu plus. A titre de comparaison, Cars 3 chez Pixar cette année a coûté 175 millions de dollars pour n’en rapporter que 383 millions à travers le monde sans même rembourser son budget sur le territoire américain quand bien même il m’est apparu 100 fois plus sincère et mémorable que le dernier produit Illumination qui ne raconte que trop peu de chose. Je sais que mes quelques lignes vont rien changer pour autant, il y a surement des gens qui rient devant ces films mais ça rend l'animation si réducteur pour le public lambda que ça m'est insupportable.


Illumination aurait pour projet d’adapter le jeu vidéo Mario Bros au cinéma pour une de leurs prochaines productions. Je ne sais pas combien de temps cette manie va durer mais je prie pour qu’il y ait des réactions si là encore on a droit à un énième navet du studio (touchez pas à Yoshi et Bowser bande de monstre).

Pour ce qui est de Moi, Moche et Méchant 3 : à mon sens c’est juste un film épuisant pour pas grand-chose, et rien de plus.

Maxime_T__Freslon
3

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le 12 déc. 2017

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