Cause you and I, we were born to die
Dolan, tu as réussi à me faire aimer Céline Dion.
Dolan, tu m’as fait verser à peu près 15 litres de larmes en 2h.
Dolan, tu me ferais presque aimer le mot « tabernacle ».
Dolan, tu méritais la Palme d'or.
Dolan, ton film m’a retourné les tripes.
Je n’arrête pas d’y penser.
Vous avez compris : j’ai adoré Mommy. Dolan a pris en maturité : il ne joue pas dans son film, ne se regarde pas le nombril comme il peut le faire parfois, ne cherche pas à tout prix à démontrer sa virtuosité. Non, il est finalement bien plus humble que d’habitude. Moins d’effets donc, si ce n’est un usage de la musique qui énervera sûrement certains spectateurs.
L’histoire est simple, terriblement simple. Mais Dolan ne fait rien de schématique, il ne cherche pas à donner des explications psychologiques foireuses pour nous éclairer sur le comportement de ses personnages. On en sait finalement très peu sur les origines d’une telle violence chez Steve, sur le blocage de Kyla. On a des indices, bien sûr, mais le réalisateur laisse planer le mystère. Un des nombreux signes de la virtuosité de ce petit québécois.
Les thèmes sont franchement glauques : folie, précarité, mort, inhibitions, solitude, enfermement, violence. Mais notre cher Xavier ne manque pas d’humour et réussit toujours à nous faire rire. Pour mieux nous faire pleurer juste après. Le sujet principal du film, l’amour entre une mère et son fils, c’est un peu les montagnes russes, vous voyez. Un amour ambigu, sans cesse conflictuel mais indispensable. Qui aime le plus ? Peut-on aimer son enfant quand il fait des choses pareilles ? Jusqu’où l’amour d’une mère peut aller ? Ces questions sont posées. A chacun d’y trouver sa propre réponse. Le film n’est jamais didactique ou moralisateur.
Le format est très pertinent : il montre bien l’enfermement des personnages, leur proximité les uns avec les autres aussi. Il permet aussi de se concentrer uniquement sur les personnages, et rien d'autre. Car Dolan est un cinéaste de l'humain : on sent qu'il aime ses acteurs, qu'il aime Steve, Kyla et Die, qu'il aime les gens, tout simplement. Et c'est finalement assez rare, au cinéma, de voir cela. C'est probablement le film dans lequel on sent le plus son empathie pour ses personnages. Autre chose agréable: il ne les prend jamais de haut. N'en fait pas des êtres pathétiques et misérables. Ne les met pas non plus sur un piédestal. Il sait parfaitement les mettre en valeur, notamment lors de la fameuse scène impliquant Céline Dion et la scène "Wonderwall" (que je ne décrirai pas pour ne pas gâcher la surprise), planante, magique, qui joue parfaitement avec la "forme" du film. Et la photographie est superbe, notamment lors des scènes en extérieur.
Comme toujours, c’est parfaitement filmé. La caméra est au plus près des visages, capte les regards les plus violents, les larmes, les crachats, les bouches qui insultent. Elle filme les corps qui dansent dans un bref moment d’abandon et de liberté mais aussi les mains qui frappent. On se sent totalement pris dans ce trio, on partage leur intimité. La proximité entre le spectateur et les personnages est totale. Les sentiments évoqués, les relations décrites sont finalement assez classiques. Mais il le fait avec tant de talent, tant d’invention et tant de sincérité !
Antoine Olivier Pilon est fabuleux. Bouleversant. Je vous défie de ne pas être chamboulé par la scène du karaoké. Qu’un jeune homme de 17 ans puisse jouer aussi finement autant de sentiments et d’attitudes si contradictoires me sidère. Il passe de la haine la plus totale à l’humour débile d’un adolescent, à l’attachement, à l’affection, avec une incroyable facilité. Anne Dorval et Suzanne Clément sont géniales elles aussi. Criantes de naturel et émouvantes à souhait.
La musique est particulièrement bien choisie. Oui, parfois elle peut sembler envahissante, trop forte, trop démonstrative. Mais ici, elle ne fait qu’accentuer encore un peu plus l’émotion, qui est déjà très présente grâce à ces trois fabuleux acteurs. Dolan sait aussi faire taire toute musique quand il le faut. Et que dire de « Born to die », le choix le plus pertinent en matière de musique, puisque Dolan joue manifestement sur la double signification du verbe « to die », se référant aussi à Diane « Die » !
Ah Dolan, tu me fais complexer. Autant de talent, à ton âge. C’est inexplicable. Merci, merci d’exister. Ca faisait longtemps que je n’avais pas été autant bouleversée par un film.