The Imposter, Compliance et maintenant Mommy Dead and Dearest.
Je m'excuse d'avance pour une critique qui ressemblera à une longue comparaison mais c'est comme ci cela coulait de source.
Il y a d'abord compliance, un film inspiré d'une histoire vrai sur un homme ayant manipulé par téléphones des dizaines de personne juste parce que.. ben juste parce que. Un film honnête avec des acteurs bien dans leur rôles mais il manque quelque chose. Durant toute la durée de la pellicule on ne cesse de faire des rolleyes tant tout paraît surréel (si on se fit au carton Basé sur des faits réels) au point que c'en devient énervant.
The Imposter est bien plus abouti. Tout simplement par un choix simple de mêlé fiction et documentaire pour nous narrer l'histoire de ce français qui a pris littéralement la place d'un jeune garçon alors disparu. Un film incroyable qui nous interroge en permanence sur notre perception du réel à la fois par cette histoire ahurissante et pourtant vrai (?) mais aussi par une mise en scène qui ne cesse de naviguer entre reconstitution et vrai docu (?).
Et donc logiquement vous l'aurez compris, Mommy Dead and Dearest occupe le troisième versant à savoir un documentaire sous sa forme la plus pure. Cependant il y a déjà une histoire tout aussi invraisemblable que les deux premières et qu'il est bon de ne pas trop spoiler tant elle est généreuse en plot twists et détails sordides mais il y a aussi cette volonté de vouloir s'écarter du format documentaire sans pour autant le renier.
Chose rare tout d'abord pour ce genre d'enquêtes sur des meurtres, on découvre très vite que la fille responsable en partie du crime sera bien présente dans le film.
C'était aussi le cas et de façon splendide dans The Imposter (un voleur d'identité qui rejoue son rôle) et c'est ici bien plus simple. Simplement vêtu d'habits blancs rayés de noir comme tout bon prisonniers de cartoons, Gipsy promet face caméra d'enfin dire toute la vérité.
Mais quelle vérité ?
Car le film s'ouvre une séquence de caméra de surveillance où l'on voit la jeune fille apprendre à l'époque le décès de sa mère. Et alors tout s'enchaîne, on découvre le personnage (mot utilisé à juste titre) d'une jeune fille sur lequel le sort s'acharne et qui cumule les maladies grave. Heureusement sa mère l'a toujours soutenue. Et puis en fait non, ça y est, encore une histoire qui nous retourne l'esprit plusieurs fois.
Et pourquoi la justice s'acharne sur cette demoiselle qui s'est simplement libérée d'une situation insoutenable ? Et comment ne pas la croire quand elle jure de dire toute la vérité ?
Moins poussé que dans The Imposter, la question de la vérité et de la manipulation est tout de même bien présente dans MDaD. Il est encore une fois question d'anges cachant des démons, d'illusions et de tour de passe passe, de délires collectifs auxquelles on finirait presque par se raccrocher. Sans jamais avoir recours à des reconstitutions (un exercice pernicieux et en même temps maladroit que TI a su relever car l'exploitant au maximum) mais avec une énorme batterie d'image d'archives, le film interroge et dérange. Comment autant de gens peuvent être bernés par une seule personne ? "Si c'était moi je l'aurais forcement vu" se dit-on, et pourtant les faits sont là. Ce scénario digne des meilleurs films de David Fincher se déroule devant nos yeux ébahis sans jamais juger ou prendre parti pour l'une des deux femmes. Les prises de positions viennent uniquement des témoins, de la famille, des professionnelles qui racontent leur versions des faits, leur regrets de n'avoir rien vu plus tôt, leur colère de s'être fait avoir si facilement. Ma seule déception est alors de ne pas avoir comme dans TI une évolution de la narration et des ressentis des intervenants. En effet le film de 2012 commençait par raconter la réalité comme elle a été perçue au début des faits avant de finir dans une introspection malheureuse de ces même évènements vu sous le prisme cette fois-ci de la vérité telle qu'on la connaît et pas telle que vécu.
MDaD mélange un peu tout ça, tout le temps. Très vite le subterfuge nous saute au visage quand ensuite le documentaire revient sur les doux moments passés entre la mère et sa famille, les mensonges, le crime, l'enfance en otage, une vie derrière les barreaux. Après tout c'est un parti pris et refaire la même chose que TI n'aurait pas forcement été bien. Et surtout ici, l'imposteur en question n'est plus, et la faute semble être toute autre.
Car plus que la question de la duperie, c'est le meurtre qui prend une place prédominante dans l'intrigue. Ses origines, son déroulé, ses conséquences. Sa légitimité. Dur de ressortir au bout de cette heure et demie avec un avis définitif sur les coupables, les innocents, la morale et la justice de cette histoire.
Mais il n'empêche que mon ressenti sur Compliance se confirme, et que ce dernier aurait du tout autant ne pas se priver du format documentaire (même si plus difficile à traiter sans preuves visuelles). Car MDaD transpire avant tout d'une sincérité folle. Quand bien même le long métrage joue avec nos nerfs et nos certitudes, la galerie d'intervenants n'en reste pas moins touchante, authentique et haute en couleurs. Gypsy est tellement complexe à cerner, son copain en particulier lors de l'interrogatoire est déconcertant et même le père de la jeune fille arrive à nous émouvoir tant il semble dépasser par les évènements.
Je reviens d'ailleurs juste sur la scène de fin qui m'a un peu gêné
Le film rattrape alors la vraie temporalité avec le père allant voir sa fille après l'annonce des 10 ans de prisons pour celle-ci (on est alors en 2016 et elle sortira normalement à ses 32 ans) et soudainement l'image prend un côté TV réalité. Ça fait sens avec ce qu'on nous montre donc à savoir un père qui réconforte sa fille qui voit une nouvelle partie de sa vie briser mais je trouve toujours ce genre de manière de filmer un peu putassière surtout après avoir eu 1h10 de cadrages et de mise en scènes très classique et effacé. N'empêche que de voir Gypsy affirmer que sa vie sera meilleure en prison puis au final la voir simplement pleurer dans les bras de son père parce qu'elle ne veut pas y aller pour les 10 prochaines années à venir, ça a quelque chose de bouleversant, peu importe comment vous filmer ça.
Encore une fois c'est de la facilité mais ce genre de films a bien peu à faire tant le matériau de base est fertile. Le genre d'histoire qui réveille notre curiosité macabre et notre fascination pour le côté sombre de l'âme humaine. A moins que justement non, ce ne soit ce qu'il peut y avoir de plus bon en nous malgré tout ce qu'il peut nous arriver qui est au centre de Mommy Dead and Dearest.