Derrière ses allures de romance douce-amère, Mon gâteau préféré est d’abord une subtile chronique de la solitude féminine dans un pays où le simple fait de tisser des liens peut devenir un acte de résistance. La première partie du film brille par sa délicatesse : la réalisatrice dresse un portrait nuancé de Mahin, une veuve de 70 ans cloîtrée dans une maison qui est à la fois refuge et prison dorée. Son quotidien, marqué par la lassitude et un besoin désespéré de compagnie, fait écho à celui de nombreuses femmes iraniennes enfermées dans des carcans familiaux et sociaux. Par petites touches, le film s’attaque frontalement aux mariages arrangés, pointant leur absurdité à travers des personnages qui, sans exception, ont connu l’infortune conjugale. Ce plaidoyer pour le droit à l’amour et à la rencontre s’incarne dans la relation entre Mahin et Faramarz, un chauffeur de taxi dont la présence fait vaciller l’ordre bien réglé de son existence. Mais ce qui commence comme une lueur d’émancipation s’érode rapidement sous le poids de maladresses narratives et d’une précipitation qui trahit les conditions de tournage du film, mené tambour battant sous la menace d’une censure omniprésente.

Car c’est là que le film vacille. L’histoire d’amour naît trop vite, trop facilement, avec une pureté et une réciprocité presque naïves dans un contexte politique où chaque écart est scruté et puni. Mahin, dont la solitude était si finement esquissée, devient brusquement une héroïne de romance trop enthousiaste, presque aguicheuse, à contre-emploi des normes imposées par la société iranienne. L’illusion du bonheur s’effondre brutalement avec une fin aussi abrupte que grinçante : la mort soudaine de Faramarz, qui aurait pu être tragique, frôle le burlesque tant la mise en scène de sa découverte frôle l’absurde. Mais derrière cette ironie involontaire, le film rappelle une dure réalité : en Iran, même les gestes les plus anodins – partager un repas, oser un regard tendre – deviennent des actes clandestins. Ce qui aurait pu être un feel-good movie glisse alors vers une conclusion amère, où la brièveté du bonheur souligne l’étouffement d’un régime qui ne tolère aucune échappatoire, pas même l’amour.

HaroldFouques
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste l’abonnement ciné valait le coup 2025

Créée

il y a 6 jours

Critique lue 25 fois

Harold Fouques

Écrit par

Critique lue 25 fois

D'autres avis sur Mon gâteau préféré

Mon gâteau préféré
Cinephile-doux
7

Jouissance d'automne

Les coréalisateurs de Mon gâteau préféré, Maryam Moqadam et son mari Behtash Sanaeeha n'ont plus la liberté de quitter l'Iran et leur situation risque peu d'aller dans le bon sens, plus leur film...

le 3 juil. 2024

8 j'aime

Mon gâteau préféré
Sergent_Pepper
7

Fin de vie, liberté

Les OuLipiens l’avait déjà expliqué : la contrainte émancipe l’imaginaire. Lorsque Perec s’interdit l’usage de la lettre e dans La Disparition, où qu’il détermine par un cahier des charges le contenu...

le 18 févr. 2025

7 j'aime

Mon gâteau préféré
LaRouteDuCinema
4

Quand la photo est floue

J'aurais aimé adorer ce film pour de multiples raisons. Il est iranien et les films iraniens m'ont rarement déçue depuis des années. Il s'agit bel et bien d'une comédie, romantique qui plus est, ce...

le 12 oct. 2024

6 j'aime

4

Du même critique

Croyance & Perdition (EP)
HaroldFouques
8

L’hymne d’une ville

Il est toujours bon d’être accompagné d’un local pour découvrir une ville. En ce qui concerne le nord-est parisien, Jeune LC est votre homme. Le Jeune ne fantasme pas Paris, il rappe la ville telle...

le 7 mai 2021

1 j'aime

Tout simplement noir
HaroldFouques
3

Tout simplement nul

Quelle déception! Quelle trahison! Les comédies françaises populaires ne me plaisent pas, jamais. L'humour gras et bien souvent problématiques sur lesquelles elles reposent m'est bien souvent...

le 10 août 2020

1 j'aime

2

Mon gâteau préféré
HaroldFouques
7

Mon gâteau préféré est interdit

Derrière ses allures de romance douce-amère, Mon gâteau préféré est d’abord une subtile chronique de la solitude féminine dans un pays où le simple fait de tisser des liens peut devenir un acte de...

il y a 6 jours