Comédie dramatique au rythme effréné aux mille plans délectables qui nous sortira de notre petite place de spectateur pour mieux critiquer et tirer à balle réelle sur le système en place dans l’audiovisuel, mais pas que et bien plus développé dans sa seconde lecture.


Avant de rentrer dans le vif du sujet, il faut savoir que Mon idole est affaire d’expérience. Certains y verront une comédie nauséabonde allant dans tous les sens, mais d’autres arriveront à déceler suffisamment d’indices pour créer une signification au long métrage de Guillaume Canet qui n’admettra pas entièrement la clé de l’oeuvre et ce qu’elle cache derrière ce contexte improbable, absurde et excentrique.


Bastien est chauffeur de salle d’une émission télévisuelle “Envoyez vos mouchoirs” et aussi assistant de l’animateur en chef du programme. Le jeune homme a un projet pour la télévision, un nouveau concept d’émission appelée “La preuve en images”. Son producteur Jean-Louis Broustal est l’idole de Bastien. Avec ce nouveau concept, ces deux derniers se rapprochent et le grand patron invite Bastien à passer le week-end avec lui et sa femme. C’est au bout de deux jours bien remplis que la face cachée de l’employeur va se dévoiler.


Ce film marque l’entrée de Guillaume Canet dans le cinéma en temps que réalisateur. En effet, il s’agit de son premier long métrage et le talent se sent ; il est présent devant nos yeux. Effectivement, monsieur Canet ose en ne bronchant jamais sur les mouvements de caméras à effectuer et se hasarde à une mise en scène brutale qui peut brusquer le spectateur. Mais il sait y faire le bougre et nous emmène dans son agitation. A première vue et dès que l’on s’immisce dans l’oeuvre, ça paraît louche pensant avoir affaire à une mauvaise blague mais c’est mal connaître le jeune parisien. Après avoir posé son style et donnant un ensemble fourre-tout, il est temps de se rendre compte que les gages comiques engendrés sont très bien pensés alors qu’ils paraissaient suffisamment absurdes pour qu’on ait un regard critique dessus.


Bastien (incarné par Guillaume Canet) est dans l’état de soumission le plus total auprès de son patron Jean-Louis (incarné par François Berléand). Il lui obéit au doigt et à l’œil tout comme le ferait un serviteur à son maître. Cette forme d’esclavagisme fait naître des situations démentielles tant la docilité de Bastien va prendre le dessus sur l’objet du week-end qui était de travailler sur le projet télévisuel. Alors, quel est le but derrière tout ceci ? Quel est le véritable projet de ce couple s’abandonnant à la campagne chaque week-end et invitant finalement le premier venu ?


Mon idole a 15 ans d’avance sur certains points et c’est d’autant plus malheureux car le film a eu un accueil plutôt moyen. Il possède une double lecture extravagante dont on n’aurait jamais douté. C’est à un moment bien précis que l’on comprend le pot au rose, ce qui était caché derrière toute cette machination. Le long métrage se veut être une critique de la production audiovisuelle, d’un système dont les seuls bénéficiaires sont les gros bonnets qui exploitent les uns et les autres et s’amusent de leur statut sans jamais être inquiété. Cela est le message facile à interpréter dans le sens du scénario qui donnerait un résultat admirable mais sans trop forcé et n’expliquerait pas certains choix de réalisation et certaines situations.


Maintenant, travaillons un peu nos méninges et regardons le film d’une autre façon. L’état de Bastien va évoluer en véritable bouffon du roi, manipulé mais prêt à tout pour réussir, ce qui porte aussi un regard sur ce que certains sont prêts à faire pour une récompense. Et c’est lors d’une discussion que l’on se demande si tout n’est pas que fumisterie. Rappelons alors que le jeune homme est venu travailler un projet de nouvelle émission dont le pitch serait un concept voyeurisme : filmer une famille pendant quinze jours et chaque individu aurait une caméra pour avoir des preuves de ce qu’il se passe dans la maison, une sorte de télé-réalité. Un concept que lui seul a imaginé. Et si ce week-end en campagne n’était que tromperie et que Bastien se faisait filmer pour le compte d’une émission ? Plusieurs indices aident à ce raisonnement, entre les plans très rapprochés ou des plans parfois filmés par une caméra à la mode found footage. Les discussions du couple mènent aussi un flou scénaristique, constamment à évoquer le sujet de Bastien comme si celui-ci était ce pantin. Sa mine déconfite conforte encore mieux sa position de piégé qui se fait prendre à son propre concept et qui place la critique autant autour de lui que son chef. Cette théorie est d’autant plus plausible qu’elle critiquerait par son biais tout ce système de chercheur de buzz, de faire toujours plus pour régaler son audience et nous renvoie à notre propre usage du voyeurisme que l’on fait durant le film. A la manière d’un Truman Show, tout pourrait être orchestré pour le biais de la télévision. Cependant, ce n’est jamais réellement dévoilé au grand jour donc n’est peut-être que le fruit d’une imagination, on l’espère pensée de même par le réalisateur qui aura vu le potentiel de son oeuvre. Tout part en vrille et le comique de service est parfaitement interprété par notre trio de tête : Diane Kruger et Guillaume Canet impeccables avec un François Berléand au top de son cynisme qui aura même le don d’avoir une phrase adressée à son public.


Le film mélange comédie absurde avec un vrai sujet derrière son intrigue jubilatoire. Pour un premier film, le risque paie et on regrette qu’il n’ait pas été encore plus loin. Non loin du chef d’oeuvre, Mon idole n’est pas qu’une simple comédie française contenant des idées lunaires mais plutôt un film rempli d’audace qui paie les frais de son origine, de son budget et de son casting faisant son allure. 15 ans plus tard avec la photographie que l’on arrive à faire, et cette froideur poussée façon Get Out de Jordan Peele mélangé avec cet humour noir et décalé, nous restons persuadé que l’accueil aurait été bien plus grand. Sauf que nous étions en 2002, Guillaume Canet était en avance sur son temps et peut-être ne le voyait-il pas…


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Burnham
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le 11 avr. 2019

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