Rats out of cell
On sait Resnais friand des expériences formelles et discursives dans ses films, qu’il s’agisse d’explorer les interactions d’un couple à l’Histoire dans Hiroshima mon amour, à la mémoire dans L’Année...
le 23 juin 2015
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On sait Resnais friand des expériences formelles et discursives dans ses films, qu’il s’agisse d’explorer les interactions d’un couple à l’Histoire dans Hiroshima mon amour, à la mémoire dans L’Année dernière à Marienbad ou Je t’aime, je t’aime, il a toujours pris le parti d’associer fond et forme pour circonscrire les élans contradictoires de la psyché humaine. Dans Mon oncle d’Amérique, c’est la même intention qui sous-tend le projet, avec un pas supplémentaire franchi dans cette considération de ses personnages comme des créatures de laboratoires auxquelles on ferait subir diverses expériences.
Ponctué des théories du Dr Laborit, le récit va ainsi alterner discours documentaire et illustration par l’exemple, en suivant la destinée de trois personnages dont les récits vont s’entrecroiser. Si les débuts peuvent sembler assez laborieux, l’exposition accordant davantage de place à la mise en place du dispositif, et amenuisant la capacité émotionnelle du récit, celui-ci occupe progressivement une place de plus en plus importante. Resnais et son biologiste semblent vouloir laisser le spectateur faire par lui-même ses rapprochements, s’amusant des coïncidences et de cette audace à considérer ses personnages comme des rats de laboratoire.
Ce regard d’entomologiste ne fait pas toujours mouche, et s’accompagne notamment d’un jeu un brin artificiel qu’on trouve souvent chez le cinéaste, et avec lequel il n’est pas toujours facile de composer. La tonalité didactique occasionne quelques expériences formelles qui sont bien moins fascinantes que dans les précédents films du réalisateur, parce qu’elles sont au service d’une démonstration scientifique de laquelle semble absente la préoccupation esthétique. Ainsi des redondances de montage alterné entre les personnages et leurs idoles de cinéma Gabin, Darrieux et Marais, qui sont rapidement pesantes. Si l’on est loin du pouvoir hypnotique de Marienbad ou du lyrisme fébrile d’Hiroshima, c’est sans doute une volonté du réalisateur, qui se voit ici comme Zola s’envisageait dans son projet naturaliste : comme un scientifique en blouse blanche, conduisant ses petites expériences avec recul et supériorité. Le film s’en trouve délesté de toute une chair, et ne subsiste de lui que l’intérêt de sa forme originale, qui vieillit bien vite et ne laisse pas de marque indélébile sur le spectateur.
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le 23 juin 2015
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