Patricio Guzmán a perdu de sa superbe. Il réalise des documentaires depuis les années 70, mais aujourd'hui il semble ne plus comprendre son pays. À sa décharge, ça ne semble pas évident.
Le parallèle est tentant, alors je vais me permettre de le faire même s'il est sans doute réducteur ! En France, le mouvement des gilets jaunes a démarré lorsque le prix de l'essence à atteint des sommets jusque-là inégalés. Au Chili, c'est l'augmentation du ticket de métro qui a mis le feu aux poudres. Ont suivi des journées de protestation, avec des milliers de personnes dans les rues. Bilan: des blessés, des morts.. et quelques yeux à jamais aveugles. Dans les deux cas, il semble que les journalistes peinent à expliquer le mouvement. Parce qu'il n'est pas unanime, conduit par un chef; parce qu'il n'est pas guidé par une seule ligne directrice. Parce qu'il est possible d'interroger deux manifestants et d'obtenir des réponses sans rapport l'une avec l'autre.
Patricio Guzmán choisit de présenter ce mouvement comme une révolte des femmes. Une révolte féministe à laquelle les hommes prennent part, certes, puisqu'ils sont à l'image; mais dont ils sont mis à distance puisqu'il ne leur donne pas la parole!
Je trouve que c'est révélateur du problème de fond: Patricio a assisté aux événements, en reconnaissant lui-même qu'il ne comprenait pas ce à quoi il assistait. Il n'a pas vu venir le début du mouvement, n'en a pas saisi les moments successifs.
Contrairement à son habitude, il entrecoupe des témoignages face caméra faits à posteriori avec des images prises dans la rue. La chronologie n'est pas clairement établie et on sent qu'il manque de recul sur ce qu'il recueille. Le changement de constitution, héritée de Pinochet (vous imaginez, ce serait comme baser notre code pénal sur un texte napoléonien, aberrant) est fondamental. Il me semble que c'est cet axe qui aurait dû être le fil rouge du documentaire. Tous descendent dans la rue parce qu'étudiants comme retraités, mère célibataire comme père soutien de famille peinent à gagner de quoi manger. Ce qui est en insupportable au Chili c'est que nombreux sont encore ceux qui habitent entre 4 plaques de tôle ou ne mangent pas tous les jours!
Le changement de constitution est donc réclamé à grands cris par le peuple. Pas uniquement les femmes. Pas uniquement les minorités de genre. Pas uniquement les peuples indigènes.
Patricio réalise des films depuis 1971. Peut-être bien qu'en 2022, sa caméra s'est désynchronisée.