Maiwenn est depuis quelques films en mesure d’affirmer une tonalité et un traitement suffisamment singulier pour qu’on la reconnaisse. Avec Mon Roi, elle se déleste de l’originalité d’un scénario (Le Bal des actrices) ou d’un univers singulier (Polisse) pour aborder de front le vrai du cœur humain, à travers la décennie passionnelle d’un couple. Contrairement à ce que la bande annonce laissait entendre, il ne sera point question d’événement hors norme, de crime ou de situation exceptionnelle. Seule la vaste et complexe question du couple importe. Dans le sillage des ainés comme Pialat et son indépassable partition cynique dans Nous ne vieillirons pas ensemble, ou du plus proche grand frère Kechiche et sa Vie d’Adèle, Maiwenn traque les instants de vérités qui font que l’amour surgit, se dilate, se rompt, se renoue et se déchire.
Les modèles sont, il est vrai, particulièrement encombrants, et il est aisé de fustiger les écueils qui peuvent émailler le projet d’ensemble. Commençons par reconnaitre à quel point la réalisatrice parvient à obtenir de ses comédiens l’authenticité qu’elle convoite. La restitution des débuts du couple voit ainsi le magnétique Vincent Cassel tout ravager sur son passage avant d’offrir une part plus sombre et incontrôlée de son personnage, tandis que l’enthousiasme et la confiance croissants d’Emmanuelle Bercot (prix d’interprétation à Cannes) achèvent de rendre crédible ce couple enthousiaste.
Les rires, la danse avec la vie et les élans anarcho-poétiques sont d’une authenticité rare, et en écho avec un présent de narration qui, s’il est répétitif, est tout aussi attachant : dans un centre de rééducation, la femme répare ses blessures physiques autant qu’elle panse ses souvenirs douloureux, entourée d’une bande de jeunes qu’elle n’aurait jamais fréquenté autrement, et qui parviennent à redonner le goût à la vie.
Mais Maiwenn, on le sait, ne fait pas dans la dentelle : il lui faut des vitres brisées, des situations extrêmes pour trouver écho à ses propres démons. C’est là que le bât blesse. A trop vouloir fouiller dans la crise et la déchirure, la frontière avec le grotesque devient ténue. La scène de crise d’hystérie de Toni face aux amis de son mari a beau vouloir lorgner devant les plus grands moments de Cassavettes dans Faces ou Une femme sous influence, l’embarras est davantage du partagé par les spectateurs que les personnages.
C’est cependant une brèche un peu trop facile pour descendre le film en flèche. Il est ainsi surprenant de constater qu’en dépit de sa longueur et de la répétition de ses motifs (rupture, retrouvailles, déchirures…), on ne s’ennuie pas, et la gestion des ellipses pour appréhender cette décennie est tout à fait convaincante.
Tout est là : Maiwenn n’est certes pas encore dans la cour des grands, et à l’image de Dolan et des attachantes crises de Mommy, peut irriter autant qu’émouvoir. Mais il reste cette vérité brute que tant d’autre ne parviennent à restituer : de ce fait, ses maladresses semblent le prix de son authenticité.
(6.5/10)