Dans un futur proche, Pietro et Cri sont deux orphelins recueillis par un pêcheur vicieux. Ils survivent comme ils peuvent dans un monde en proie à la pollution, la pauvreté et la délinquance. Pour eux qui rêvent de partir en Afrique, le salut pourrait venir du gang des Fourmis, terreurs de la population et de la police.
Alessandro Celli a réalisé quelques films qui ne sont généralement pas arrivés de ce côté des Alpes. Mondocane est porté par des acteurs pour la plupart inconnus et avec un budget que l’on sent réduit. Pourtant, cette chronique poignante est touchante à plusieurs niveaux.
D’abord, les adolescents sont adorables, entre des gamins qui se la jouent caïds et des gosses qui veulent simplement s’amuser. Le trio de héros (Dennis Protopapa, Giuliano Soprano et Ludovica Nasti) est aussi jeune que talentueux. Leur point de vue délicieusement enfantin décrit avec une crudité terrible un quotidien sordide sans jamais tomber dans le graveleux ou le gore. En effet, les horreurs de ce monde à la Mad Max ne sont que suggérées, mentionnées du bout des lèvres, voire carrément occultées. C’est un film somme toute délicat.
Ensuite, l’Italie reste l’Italie. Le verbe est haut, volontiers grossier, et les échanges amicaux comme brutaux sont souvent tactiles. Le soleil, la chaleur et la mer sont omniprésents, donnant un air de vacances malgré un décor apocalyptique.
Enfin, il n’y a pas de méchant. Le terrible et manipulateur Tête brûlée, malgré sa psychose, est attendrissant de traumatismes et de bonne volonté. Certes, il se sert de gamins qu’il envoie à la mort, mais ces gosses sont de toute manière condamnés. Et ses profits aident d’autres enfants. Son attachement à Cri, pervers et parasitaire, n’en est que plus touchant.
Cependant, Mondocane reste un film dur. Il est difficile de regarder des orphelins exposés aux horreurs prédatrices de ce monde, des enfants dont la solitude a séché définitivement leurs larmes. Les adultes ne sont pas en meilleur état, étant (comme l’expliquent Katia et Tête brûlée) eux-mêmes des orphelins qui ont connu le cauchemar de la rue avant d’arriver où ils sont.
Enfin, Mondocane a un côté effroyablement prémonitoire. L’Italie polluée et ruinée qu’il décrit est à peine anticipée d’une décennie ou deux, pas plus. La pauvreté crasse et l’absence de règles sont à la porte de notre réalité, et pas que dans ce pays. Du coup, sans les lois, les industries prédatrices n’hésiteront plus à saccager la terre où vit la population. La corruption toujours plus visible de nos élites ainsi que la paupérisation galopante de l’Europe, allant de pair avec une criminalité de plus en plus médiévale, semblent nous mener tout droit et à court terme vers Mondocane. Prions pour que ce ne soit pas le cas.