D'un côté, nous avons Samuel Mercier, figure de la politique normande, Secrétaire d'Etat, bien placé pour être le futur Ministre de l'Intérieur. Il est contacté par une famille mafieuse qui lui propose un marché : il s'arrange avec les douanes pour faire entrer sur le territoire un conteneur de drogues, et en échange il reçoit une valise remplie de biffetons (pour la somme rondelette d'un million) et surtout un dossier particulièrement compromettant sera enterré définitivement.
D'un autre côté, nous avons trois petits malfrats du dimanche, trois jeunes qui glandent dans un bidonville du coin. Il y a Danis, dont la femme est morte six mois plus tôt dans un accident de voiture, et qui vit chez sa mère avec son fiston. Pour survivre, il lui arrive de bosser un peu pour un dangereux trafiquant local d'origine serbe, Goran. Avec Danis, il y a Eric et sa sœur, Alex. C'est elle qui va voir la valise pleine de billets et se dire que ce serait sympa de se l'approprier.
Le peu que l'on puisse dire, c'est que, comme l'indique son titre, l'argent est au centre du film. L'argent est perçu par les différent protagonistes comme un moyen de repartir à zéro, une opportunité de mener une nouvelle vie. Pour les trois jeunes, c'est la sortie du bidonville et la certitude d'un nouveau départ. Pour Danis en particulier, c'est l'assurance d'un avenir pour son fils. Pour Mercier, c'est la possibilité de se refaire une virginité politique. Et plus on va avancer dans le film, plus cette valise deviendra indispensable aux personnages, augmentant ainsi la rivalité qui les anime.
En même temps, cet argent est le symbole d'une corruption morale qui va grandir aussi au fil du film. Entraînés dans un tourbillon de violence, les personnages vont voir leur moralité s'émousser progressivement. L'argent tiendra lieu de toute morale, et tout va devenir possible.
Money est un polar, un vrai, un dur. Par ses personnages d'abord, entre politiciens véreux, tueur à gages, mafieux et petites frappes, toute la panoplie est présente. Par son ambiance également. La musique, la représentation brute de la violence, l'emploi du décor urbain, tout contribue à cette atmosphère sombre et sauvage.
Money se déroule dans un monde de violence. Tout le monde possède une arme, et les rapports sociaux se font tous sous le signe de la violence. Et, situé tout en bas de l'échelle sociale, Danis fait partie de ceux qui se prennent tout sur la figure (voir la scène au supermarché).
C'est l’omniprésence de cette violence qui donne un des aspects les plus intéressants au film. On sent constamment que tout est possible, tout peut arriver. On peut toujours faire pire et se retrouver dans une situation plus catastrophique qu'avant. Mieux : par une belle construction du scénario, chaque action contient en elle les germes de la situation suivante, qui sera pire que la précédente. On s'enfonce ainsi dans une spirale de violence où les personnages vont être emprisonnés malgré eux.
Réalisé par le cinéaste franco-géorgien Gela Babluani, qui s'était rendu célèbre avec 13 Tzameti, Money est un bon petit polar qui n'a pas d'autre prétention que de vouloir nous distraire. Le film possède bien quelques défauts, en tête desquels on peut citer un Benoit Magimel peu inspiré dans son rôle de tueur à gages. On a une scène, dans un train, minée par le ridicule et l'absence de crédibilité.
Mais l'ensemble est solidement écrit, réalisé et interprété. Le rythme est garanti et le film atteint son objectif.