La prostitution masculine en Chine telle que romancée par un futur grand cinéaste

Il ne faut surtout pas voir dans ce film au titre explicite ("Garçons qui se monnaient") un document. Le film n'est pas du tout réaliste et heureusement car des films réalistes traitant de ce sujet, on en a déjà vu quelques uns et ils sont en général révoltants, pour ne pas dire affreux ou abjects.
Moneyboys est un joli film, avec de jolis décors, une musique singulière et très adaptée et trois acteurs principaux remarquablement choisis : ils sont à la fois beaux, charmants (chacun dans son genre) et masculins. Ils se sont si bien coulés dans leurs rôles respectifs qu'ils méritent d'être nommés : Fei est personnifié par Kai Ko, Xiaolai par J.C. Lin et Long par Bai Yufan (par ordre d'apparition à l'écran). Autour d'eux, il y a toute une série de personnages, dans l'ensemble, plutôt crédibles.
Le film raconte bien quelques unes de leurs mésaventures en temps que garçons tarifés, mais cet aspect-là des choses est traité sans insistance ou même reste off. Manifestement, ça n'est pas ce qui intéresse C. B. Yi, le réalisateur austro-chinois (ou sino-autrichien), dont c'est le premier film. Il nous montre surtout ce qu'ils sont en dehors de leur temps de travail, ce qu'ils ressentent, ce qu'est leur vie. Presque tout l'aspect sordide de leur "métier" est éludé. Yi nous donne une vision très (bien que pas totalement) idéalisée de leur vie professionnelle. Il nous dit surtout que ces garçons sont, comme n'importe qui, capables de sentiments amoureux, de délicatesse, de dignité, qu'ils sont de vrais mecs, capables de fonder une famille, d'avoir des enfants (Xiaolai en a trois). Que ce sont des êtres humains comme les autres, et pas du tout la lie de l'humanité. Qu'ils méritent le respect.
La réalité vraie de la prostitution masculine en Chine (ou ailleurs) n'est très probablement pas celle-là. Yi n'en a cure, son objectif était de faire un film, un beau film, sur un sujet certes scabreux, mais rarement montré avec délicatesse, tact, sensibilité. Il l'a tenté (tournage à Taïwan d'un scénario assez travaillé et malin supposé se dérouler en Chine continentale) et, je trouve, réussi.
Esthétiquement, je l'ai laissé entendre plus haut, le film est beau. Peut-être, volontairement, un peu froid. Les décors sont soignés. La musique colle au sujet et exprime l'indicible. Les scènes les plus belles sont souvent avares de mots. Celles d'amour (d'amour physique) sont relativement audacieuses et plutôt réussies, mêlant habilement le sexe et les sentiments.
Naturellement, c'est une histoire (en fait, pour simplifier la trame scénaristique, une histoire d'amour à trois sur fond boueux) qui peut choquer, voire offusquer, une histoire tout à fait en dehors de la morale traditionnelle et qui tend à excuser, magnifier, réhabiliter ces jeunes gens perdus, mais c'est également, je pense, un bon film, imaginé, scénarisé, réalisé par un artiste authentique, aidé d'une équipe de comédiens et de techniciens talentueux.
Je le répète, ça n'est pas du tout un document, ça n'a rien de réaliste, c'est simplement du cinéma, du bon cinéma, du cinéma humain. Et c'est déjà beaucoup.
Transformer la boue en or, n'est-ce pas ça la magie du cinéma ?

Fleming
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le 19 mars 2022

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