Monolith
5.9
Monolith

Film de Matt Vesely (2022)

Récemment tombée en disgrâce auprès de ses pairs, une journaliste tente de rebondir au travers d'un podcast recueillant des interviews d'anonymes possiblement témoins d'événements inexplicables. Alors qu'elle cherche l'inspiration pour son premier reportage audio, elle reçoit un mystérieux mail la guidant vers l'expérience d'une inconnue suite à sa découverte d'une étrange "brique". Le point de départ d'un phénomène aux proportions insoupçonnées et dans lequel elle va peu à peu se retrouver engloutie à son tour...


Au commencement de ce "Monolith", un écran noir qu'une voix faite de murmures vient accompagner afin de nous conter une histoire par laquelle notre esprit humain, si avide de croire en l'extraordinaire, se laisse facilement enivrer. Tout le pouvoir de suggestion d'un récit -et que le film de l'australien Matt Vesely s'apprête malicieusement à l'utiliser- est résumé à travers ce prologue qui, tout en laissant trahir au fil des mots le grillage du micro derrière ses paroles, en détruit l'aspect séducteur par le jaillissement de la bien triste vérité qui s'y dissimule.


Dans un environnement rectiligne, où tout semble fait pour figer de façon "monolithique" le quotidien et l'assurance des convictions de son héroïne à travers des plans fixes, le film ne va jamais quitter la journaliste (créditée en tant que The Interviewer sans nom au générique), nous délivrant l'afflux d'informations autour de cette affaire de briques noires par son seul point de vue de podcasteuse recluse dans la maison de ses parents et réceptacle de voix chargées de l'aiguiller à travers les méandres insoupçonnés de cette affaire.

Par l'intermédiaire de cette posture tout aussi minimaliste qu'ingénieuse (faisant appel à un remarquable travail de variations sur le son), le réalisateur Matt Vesely va exacerber le pouvoir d'attraction des dires forcément fascinants des intervenants et, à l'instar de sa protagoniste principale, faire fonctionner à fond l'imagination du spectateur au fur et à mesure que le mystère de ces briques s'étoffe à travers eux (les rares scènes nous sortant de la maison aux moment les plus forts de ces témoignages ne seront d'ailleurs que l'incarnation visuelle des mots entendus par l'esprit de l'intervieweuse).


Galvanisée par le succès de cette enquête dans laquelle ses élans rationnels et la répétition de ses erreurs d'autrefois fondent comme neige au soleil devant l'ampleur des aspects toujours plus intrigants du phénomène ainsi mis en lumière, la journaliste va donc aussi s'y laisser emporter d'une manière irrésistible, la faisant passer de simple interlocutrice passive des évènements à un rôle bien plus actif et synonyme d'une spirale infernale où un sombre passé est amené à ressurgir.


On n'en dira pas plus sur la suite du film, juste que "Monolith" va très habilement se muer en une métaphore SF de la dépression passée volontairement sous silence sous peur de ne pas jamais être réellement écouté, de la noirceur universelle de l'Homme née de son incapacité à assumer (ou guérir de) ses failles existentielles, tout en prenant appui, au niveau de son intrigue, sur des rebondissements étonnamment rationnels dans un contexte où le fantastique ne cesse pourtant de vouloir s'immiscer pour l'emporter. Dans le même temps, de plus l'héroïne perdra pied, de plus la rigidité des plans laissera sa place à la traduction visuelle de sa fébrilité, achevant de faire de "Monolith" une expérience assez unique où l'étude presque sensorielle de la force de frappe d'un récit se met à communier avec une approche des monolithes de non-dits de l'âme humaine, le tout enfermé au plus près d'une héroïne amenée à un affrontement inéluctable avec ses propres démons (sa concrétisation est peut-être le seul point faible du film car un peu trop long en termes d'exécution dans les dernières minutes... quand on a finalement écouté tout ce que le film avait à dire).


Faisant partie de ces petits films de SF sortis d'au moins autant nulle part que ses briques noires et où, sous couvert de petit budget, le minimalisme devient l'outil majeur d'une œuvre d'une impressionnante maîtrise tant dans les registres utilisés que d'un discours qui ne cesse d'identifier nos défaillances en écho à celles ressenties par son héroïne (mention spéciale évidente à Lily Sullivan), "Monolith" vaut vraiment la plus vive attention de vos oreilles -et de vos yeux- pour une séance captivante.

RedArrow
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le 26 juil. 2024

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