On va filmer la vie d'Aznavour comme un film de Scorsese. Wesh.

L'intro est horrible, on a tous les poncifs du biopic académique gentillet et pseudo chiadé.

On enchaîne une bonne demi heure dans une sorte de buddy movie plutôt sympatoche (sans être révolutionnaire évidemment) entre Tahar Rahim et Bastien Bouillon, avec de vagues échos à "America, America" d'Elia Kazan (notamment l'arrivée à New York et l'île des immigrés illégaux).

Et puis y a une abdication complète de la mise en scène et du scenar, avec une succession interminable de numéros musicaux sur scène tous filmés à l'identique (je me rappelle d'un plan séquence sans rythme et sans idée où la caméra se balade longuement entre la scène et le public, rien ne justifie ce dispositif si ce n'est l'envie d'épate).

Vous allez en bouffer du Aznavour. Overdose totale.

Parfois on tente de vagues échappées sans conséquence et finalement hors sujet, notamment le passage du sample de Dr Dre, où le pastiche de "Scarface"est à peine voilé. Aznavour en Tony Montana, ça aurait pu marcher, si on n'avait pas été dans le cadre du biopic gentillet, là ça donne juste un effet gimmick.

Profession de foi des auteurs : "On va filmer la vie d'Aznavour comme un film de Scorsese. Wesh". De multiples plans de villes, de cafés, des plan séquences qui évoquent clairement "les Affranchis", "casino", le rôle potiche des gonzesses excepté Edith Piaf qui est pas mal, on veut du style, on veut que ça bouge, on veut que ça soit classe.

Mais non. Dans les films de Scorsese, les enjeux c'est des mecs qui vont s'entretuer. Là c'est juste l'histoire du pov' Charles qui a du mal à percer et travaille comme un acharné pour atteindre son objectif de réussite professionnelle, l'emphase du style ne coïncide pas du tout avec le sujet finalement très lambda.

Alors pour éviter la critique inévitable du traitement hagiographique du projet piloté par la famille d'Aznavour, on fait mine de montrer son côté un peu froid, distant, et égocentrique. Comment être dupe de la manoeuvre.

Autre aspect gênant : le visage de Tahar Rahim qui a manifestement été transformé numériquement à l'aide de techniques type Deep Fake (et là on repense toujours à Scorsese et à son "Irishman" qui a dû fortement inspirer les auteurs, jusque dans l'envie de retracer une fresque prétendument épique sur une longue période).

C'est hideux une bonne partie du film (jusqu'à ce que le trucage numérique ne soit plus utilisé je suppose). Sur certains plans, l'effet "Vallée dérangeante" est clairement présent, on dirait presque un personnage tiré d'un jeu video (ça pourrait être le protagoniste de la série "Mafia"), c'est trop lisse, y a un truc qui va pas dans le grain de peau..

Après recherches, j'ai vu qu'ils avaient aussi utilisé des techniques de l'IA, ce qui me surprend pas du tout. Je me demande s'ils l'ont fait pour la voix de Rahim qui est assez bluffante de ressemblance avec celle d'Aznavour, or on sait que ce qu'on appelle "l'IA" est très poussée en matière de rapprochement des voix.

Pareil les choix des voix chantées qui sont parfois directement celles des comédiens, à d'autres moments celles des vrais chanteurs, et peut-être un mix des deux ? Le mélange des techniques peut paraître un peu bordélique et semer de la confusion, mais il y a le mérite de tenter d'ouvrir des perspectives audacieuses.

Au global, il en ressort tout de même un film que j'ai trouvé très lisse, très sage, sans aucune émotion véritable, factice de bout en bout, et une abdication à mi-parcours qui rend l'ensemble imbuvable à moins d'être un fanboy épidermique du personnage et de ses chansons, ce qui n'est pas mon cas.

A un moment ça se termine parce qu'il faut bien que ça se termine. L'apparition des images d'archives du vrai Charles m'ont fait soupirer de soulagement.

La fin du calvaire, enfin.

Rude.

KingRabbit
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le 1 août 2024

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