Six décennies durant, de 1850 à 1915, l'entomologiste Jean-Henri Fabre se consacra à sa passion. Près d'Avignon où il fut enseignant-chercheur, puis à Orange pour la dernière partie de sa vie. Touche-à-tout génial, esprit frondeur et homme de grande culture, Jean-Henri Fabre fit l'admiration de ses contemporains jusqu'à Napoléon III lui-même. C'est à ce scientifique d'exception qu'Henri Diamant-Berger consacre un film en 1951. Avec dans le rôle de Monsieur Fabre un Pierre Fresnay exceptionnel.
Une figure attachante
Quel personnage incroyable que ce Jean-Henri Fabre ! Intarissable sur les mœurs des insectes en général et plus particulièrement sur des hyménoptères sur lesquels il rédigea une thèse, ce savant fut l'exemple parfait du polymathe, esprit universel curieux de tout. Si l'homme fut un scientifique audacieux, le film nous le présente également dans la vie privée comme un père affectueux quoique très à cheval sur les principes en matière d'éducation parentale. Libertaire d'un côté mais vieille France de l'autre, Jean-Henri Fabre était un personnage assurément singulier. Singulier et attachant. De 1853 à 1871, il fait figure d'enseignant peu orthodoxe, instaurant une relation originale avec ses étudiants. Sa hiérarchie un peu rétrograde lui reprochera l'inconvenance d'avoir enseigné aux jeunes filles innocentes (sic) la reproduction des fleurs. Face à ces accusations, Fabre prend la mouche et, dans une scène très drôle, démissionne de ses cours du soir après vingt-huit années d'enseignement. Il a 47 ans, six enfants et pas un sou. Peu lui importe, il vivra de son écriture, aidé financièrement par Stuart Mill, son ami de toujours.
Leçons d'entomologie
Parmi les curiosités du film, il y a ces leçons d'entomologie dispensées par Fabre à son fils (joué par le tout jeune Patrick Dewaere) dans la campagne avignonnaise. Des parenthèses à vertus pédagogiques qui zooment sur la vie des insectes dans leur habitat naturel, par exemple le combat titanesque de l'araignée cloto face au mille-pattes venimeux ou le piège mortel tendu par la larve du fourmilion. Une approche scientifique toute en rigueur, sans sentimentalisme ni anthropomorphisme. "Y a pas de morale chez les insectes !" aime à rappeler Fabre à Victor Duruy son ministre de tutelle. Beaucoup d'humour également dans le regard d'entomologiste que Fabre porte sur ses concitoyens : l'aréopage de parvenus papillonnant autour de l'Empereur lors de son voyage à Paris, l'impératrice en mante prédatrice, les nobles scarabées et autres cigales dépendantes de la cour impériale. Au microcosme parisien, qu'on lui fait miroiter, Fabre préférera de loin sa chère ville d'Avignon. Le film vaut aussi pour le tableau de cette province méridionale à laquelle le scientifique était viscéralement attaché avec sa vie quotidienne et ses figures locales pas piquées des hannetons.
Un beau portrait porté par un Pierre Fresnay très inspiré.
8/10 <3
Critique publiée sur le Mag du Ciné